Le ministère de l’environnement du Sénégal : une institution en hibernation

En dépit de la consistance des ressources investies dans le secteur, le ministère de l’environnement du Sénégal peine à accomplir convenablement sa mission régalienne. Ce département mi­nis­tériel stratégique, dont dé­pend la performance des autres ministères, oscille malheureusement depuis deux années, entre service minimum, indifférence et attentisme. En effet, devant la pression des urgences écologi­ques dans toutes les régions de notre pays (qui ont pour nom : pollution industrielle à grande échelle du Cap vert, de Gandon et de Richard Toll, empoisonnement massif et sans précédent des eaux du Sénégal et du lac de Guiers – ce qui risque d’engendrer à moyen terme une crise dans l’approvisionnement en eau potable de nos villes-, disparition rapide des réserves forestières dans le Fouta et surtout en Casamance, où le trafic international de bois à atteint des proportions alarmantes, gestion calamiteuse des ordures ménagères par les municipalités, ex­ploitation illégale du sable marin et engloutissement de villages côtiers dans les eaux océaniques pour ne citer quelques problèmes), l’autorité ministérielle en charge de l’environnement s’emmure dans un mutisme insupportable et dans l’inaction. Sans propositions concrètes, elle est aux abonnés absents sur le terrain, sur les plateaux de télévision et de radio. Elle n’apporte aux populations sinistrées ni réconfort ni proposition de solutions de sortie de crise.
Après la prise de fonction du Ministre actuel, le Directeur de Cabinet a essayé en vain de combler le vide en occupant l’espace médiatique. Son jeu consistait à produire un grand écran de fumée en vue de masquer le blocage du ministère.

Le ministre de l’environnement effectue très peu de visites de terrain. A ce jour, il n’a pas effectué de tournée dans la vallée du Sénégal, porte du désert, pour prendre la mesure du désastre écologique de la région. Il ne par­le jamais des éco villages, ne va point à la rencontre des acteurs pour les encourager et s’enquérir du niveau d’avancement de leurs réalisations. Il traite avec mépris et arrogance le potentiel des éco villages et les porteurs de cette initiative stratégique, d’une importance capitale pour le développement communautaire. En propulsant un proche sans envergure ni compétence à la direction de l’agence nationale des éco villages, au détriment de l’expertise, il signe ainsi le coup de grâce de l’innovation et torpille, dans la foulée, le leadership de notre pays dans le secteur.
Les investissements du Réseau mondial des éco villages (Gen) vont à des pays africains comme le Zimbabwe ou la Gambie voisine, où les ministres de l’environnement se montrent plus réceptifs à l’égard de l’offre des éco villages. Lors du récent sommet des ministres de l’environnement des Etats africains, organisé au Caire en avril dernier, des ministres ou leurs représentants ont assisté à l’événement de Gen ; Le Ministre gambien, très pragmatique, s’est dit prêt à signer des accords de partenariat avec Gen,  alors que le Sénégal, premier et unique pays au mon­de, à avoir eu dans un passé ré­cent dans son attelage gouvernemental un département mi­nis­tériel en charge des éco villages, était tout indiqué pour bénéficier des projets d’investissements de Gen.
Les partenaires financiers et techniques intervenant dans le secteur de l’environnement cèdent au découragement et jettent l’éponge les uns après les autres. A titre d’exemple, le royaume des Pays Bas, qui a beaucoup soutenu notre pays ces dernières années, dans la lutte contre les effets du changement climatique et de la crise écologique, a très fortement réduit son assistance financière pour insuffisance de résultats visibles et concrets sur le terrain.
Avec un peu d’imagination et d’initiative, le ministère de l’environnement peut à lui tout seul générer des  dizaines de milliers d’emplois verts par an en exploitant à fond les nouvelles opportunités que nous impose la crise écologique : il y a d’énormes possibilités de formation et de création du travail au profit de la jeunesse de notre pays. Les secteurs du recyclage, du reboisement, de la production des engrais verts et des énergies renouvelables (fa­bri­que et gestion d’unités de biogaz par exemple, formation en construction de panneaux solaires dans les éco villages et ailleurs) peuvent générer une croissance économique durable.
Le ministère de l’environnement doit être le fer de lance de la lutte contre l’insalubrité grandissante du pays. Il pourrait, en s’appuyant sur une mobilisation générale de forces vives de la nation (armée, écoles, mouvements de jeunesse), initier entre autres, tous les six mois, de vastes campagnes d’assainissement du pays, à l’image de «let’s do it/Slovenia» pour nettoyer systématiquement nos quartiers, nos plages, nos rivières et nos canaux d’évacuation des eaux usées, nos plages et nos rivières. Ces opérations pourraient nettement contribuer à l’amélioration de notre cadre de vie, à la santé des populations et à l’émergence d’une nouvelle mentalité collective.
Pour conclure, il convient de préciser que le ministère de l’environnement regorge de compétences et d’experts de haut niveau. Mais si le chef d’orchestre manque de charisme ou n’est pas à la hauteur des défis, cela conduit nécessairement à une impasse institutionnelle fort préjudiciable à l’amélioration des conditions d’existence de nos compatriotes.

Source:lequotidien.sn

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