Le vaccin contre la grippe plus dangereux que la grippe elle-même? Cinq arguments passés au crible

Moins de 10 jours après le lancement de la campagne saisonnière de vaccination contre la grippe, le site TSanté prône à ses lecteurs… la non-vaccination. « Si vous connaissez quelqu’un qui envisage un vaccin contre la grippe cette année, montrez-lui ceci !! » titre ainsi la plateforme dans un article alarmant. « Le verdict est tombé sur le vaccin contre la grippe. De nombreux experts médicaux reconnaissent maintenant qu’il est plus important pour vous et votre famille de vous protéger du vaccin contre la grippe que de la grippe elle-même », poursuit le texte.

Pour justifier sa méfiance vis-à-vis de ce vaccin, il énumère ensuite cinq arguments… qui ne reposent sur aucun fondement scientifique ou sont sortis de leur contexte.

FAKE OFF

A en croire TSanté, les dangers liés au vaccin antigrippal, pourtant recommandé « chaque année pour les personnes à risque, y compris les enfants à partir de 6 mois, les femmes enceintes et pour toutes les personnes âgées de 65 ans et plus » (comme le rappelle Vaccination Info Service), seraient d’abord liés au mercure.

« La toxicité du mercure peut causer la dépression, [la] perte de mémoire, [des] maladies cardiovasculaires, [des] problèmes respiratoires », affirme ainsi le texte. Une menace qui reste toutefois à relativiser dans le cas des vaccins anti-grippe.

« Le mercure, en soi, peut être très dangereux, mais tout est question de dose : la quantité utilisée dans les vaccins est très faible, et il est même absent dans plusieurs vaccins antigrippaux donc il n’expose pas à ces dangers », explique Bruno Toussaint, directeur de la rédaction du mensuel Prescrire, spécialisé dans l’information indépendante sur les médicaments.

« Il n’y a aucun lien entre les vaccins antigrippaux et Alzheimer »

Autre risque avancé par TSanté : « Le vaccin contre la grippe peut causer la maladie d’Alzheimer ». L’article cite les explications du docteur « Hugh Fudenberg, [qui] croit que cela est dû à la combinaison toxique de l’aluminium et du mercure dans le vaccin. »

Or, cette association ne repose sur aucun fondement, comme le rappelle Catherine Rumeau Pichon, adjointe au directeur de l’évaluation Médicale, économique et en santé publique de la HAS : « Il n’y a aucun lien entre les vaccins antigrippaux et Alzheimer. On ne retrouve que deux articles contestables sur le sujet, signés par une personnalité qui l’est tout autant et qui a perdu son titre [de médecin] ».

L’Américain Hugh Fudenberg, sanctionné en 1995 pour « une conduite non éthique et non professionnelle », a en effet soutenu cette théorie – et défendu l’existence d’un lien entre vaccin ROR et autisme, une confusion en vogue depuis 1998.

Une étude canadienne parue en 2001 montre au contraire, selon son échantillon, que les personnes vaccinées contre la grippe avaient moins de chance d’être atteints de la maladie d’Alzheimer que celles non vaccinées – sans toutefois établir un lien de causalité certain.

Illustration d'un vaccin.
Illustration d’un vaccin. – Pixabay

Des cas de narcolepsie… qui remontent à 2009

TSanté soutient en outre que le vaccin anti-grippe accroît le « risque de narcolepsie », citant une « étude [réalisée] entre octobre 2009 et décembre 2011 » en Suède. Il fait ainsi référence aux cas avérés de narcolepsie observés chez certains utilisateurs du vaccin Pandemrix, utilisé en pleine pandémie de grippe A. Une enquête  menée au niveau européen avait établi des liens entre ce vaccin et la narcolepsie (sans pour autant établir de lien de causalité certain).

« Ces cas sont très spécifiques, ils ont uniquement touché certaines personnes ayant eu recours à ce vaccin précis contre le H1N1 en 2009, qui n’est plus commercialisé depuis. Mais ils ne concernent pas du tout l’ensemble des vaccins antigrippaux », nous précise Antoine Pariente, co-auteur de l’une des études sur le sujet menées à l’époque et actuel coordinateur de la plateforme de pharmaco-épidémiologie DRUGS-SAFE.

Enfin, TSanté soutient que le vaccin antigrippal « rend plus sensible à la pneumonie » et « affaiblit les réactions immunologiques ». Deux affirmations balayées par Bruno Toussaint, de Prescrire : « Ils ne sont pas forcément efficaces contre les pneumonies et ne diminuent pas nécessairement le nombre de ce cas, mais ils ne provoquent pas de pneumonies pour autant. »

« La bribe de vérité qui se cache peut-être là-dessous pourrait être liée à certains vaccins, comme celui contre la fièvre jaune, qui sont constitués d’un virus atténué mais encore vivant, pouvant, dans de rares cas, se multiplier et provoquer la fièvre jaune. Mais ce n’est pas du tout le cas des virus antigrippaux, qui contiennent seulement des morceaux de virus et pas de virus vivant », poursuit le spécialiste.

Une efficacité « loin d’être parfaite »

Quid de l’efficacité relative du vaccin anti-grippe, variable d’une année à l’autre, pointée du doigt par ses opposants ? Contactée par 20 Minutes, la section « Sécurité mondiale des vaccins » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) explique : « En moyenne, le vaccin empêche 40 à 60 % des infections. Mais il est important de noter que les vaccins antigrippaux ne sont effectifs que 14 jours après la vaccination : en conséquence, ceux qui ont été infectés juste avant ou avant peuvent toujours attraper la grippe. »

Ce qui n’empêche pas l’organisme de poursuivre ses recommandations annuelles de vaccination : « Le vaccin antigrippal est le meilleur outil existant pour prévenir la grippe et réduire le risque de complications sérieuses, dont la mort. […] On estime que la grippe provoque la mort de 10. 000 personnes en Europe chaque année [et de 300.000 à 500.000 dans le monde]. »

« Les détracteurs du vaccin mettent en avant son efficacité, qui est loin d’être parfaite : c’est vrai. Mais même s’il ne protège pas de toutes les souches de la grippe, il protège au maximum les personnes à risque », conclut Catherine Rumeau Pichon.

20 minutes.fr

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