France; A la Une: l’addition des colères

Des revendications qui s’accumulent, des « gilets jaunes » toujours aussi déterminés malgré les quelques reculades du gouvernement et d’autres mouvements de contestation qui apparaissent, routiers, lycéens, agriculteurs…

« Il faut le reconnaître, relève Le Monde : il y a trois semaines, personne, pas même les premiers Gilets jaunes, n’imaginait l’ampleur, l’intensité et la violence du mouvement qui est en train d’ébranler le pouvoir exécutif. Sauf les amateurs de comparaisons hasardeuses, personne n’imaginait que ce feu de brousse, déclenché par l’étincelle de la hausse des prix de l’essence, pourrait entraîner une crise sociale et politique qui est bien près d’être comparable aux révoltes de celles de mai 1968 ou de l’automne 1995 : insaisissable et incontrôlable. »

En effet, constate Libération, « telle une coque de noix ballottée par les vagues, le gouvernement tangue et roule dans la tempête. Après avoir clamé partout qu’il « maintenait le cap« , il a soudain abandonné ses projets de hausse des taxes sur les carburants. Avec un président muet, un Premier ministre semi-zombiesque, des députés amateurs qui chancellent sous les coups, l’équipe macronienne à tout du vaisseau fantôme. (…) Bientôt l’évidence s’imposera : le président, qui pour l’instant rase les murs, devra bien monter en première ligne pour proposer une solution à la crise. Quand on est la cible principale, on ne peut pas rester immobile. »

Un abcès vieux de plusieurs décennies

« La Macronie ressemble à un bateau ivre, renchérit L’Humanité. Et encore, l’image paraît presque impropre : le bateau prend l’eau de toutes parts et rien ne nous dit qu’il n’est pas menacé de sombrer, sous une forme ou une autre, tôt ou tard. »

Certes, les hausses de taxes sur les carburants ont été purement et simplement annulées, mais, pointe Le Journal de la Haute-Marne, « l’addition des atermoiements et du silence assourdissant entretenu par le chef de l’Etat a sérieusement diminué la portée de cette annulation. Le mouvement est passé à autre chose avec une liste de revendications et de doléances qui n’en finit pas de s’allonger. Certains y verront le triomphe de l’irrationnel et de la démagogie. Il vaudrait mieux y voir une soupape, estime le quotidien champenois, qui libère les frustrations et le sentiment de relégation de plusieurs millions de Français. La prise de parole sans filtre est assumée comme une forme de prise de pouvoir. Un abcès vieux de plusieurs décennies est en train de percer, sans qu’on puisse en évaluer les conséquences. »

Pas de retour de l’ISF…

Alors, après l’abandon de la taxe sur le carburant, l’exécutif va-t-il céder sur le retour de l’ISF, l’impôt sur la fortune, réclamé par les Gilets jaunes ?

Non, devant le conseil des ministres hier, le président s’est voulu inflexible : « « Nous ne détricoterons rien de ce qui a été fait depuis dix-huit mois » ! Emmanuel Macron n’a pas l’habitude des rappels à l’ordre en public, pointent Les Echos. Ce mercredi pourtant, le chef de l’Etat a opposé une fin de non-recevoir à ceux qui voulaient notamment mettre le dossier de l’ISF sur la table des concertations qui vont s’ouvrir. (…) Et dans son discours à l’Assemblée, hier en début d’après-midi, le Premier ministre, Edouard Philippe, a, comme le chef de l’Etat, défendu la réforme de l’ISF transformé en IFI (impôt sur la fortune immobilière), assurant qu’il ne craignait « pas le débat » sur son évaluation. »

Pas de retour de l’ISF, donc, malgré ce qu’avaient avancé certains ministres, comme Marlène Schiappa… Emmanuel Macron ne veut pas en entendre parler et le président a raison, estime Le Figaro : « laisser lancer dès maintenant le sujet ISF, c’est s’exposer au principe des dominos, affirme le quotidien de droite. C’est-à-dire accréditer l’idée que la première concession ne suffira pas et qu’il faudra les accompagner d’autres reculs successifs, jusqu’à déconstruire le socle même du quinquennat. C’est pourquoi Macron a prévenu qu’il n’était pas question de détricoter ce qui a été fait. Si un ministre n’est pas astreint à son seul domaine de compétence, son rôle est plutôt de défendre la ligne fixée au sommet, pas de s’exprimer publiquement pour l’infléchir, en disant « je proposerai« . »

Le débat est malgré tout lancé

Il n’empêche, malgré le veto de Macron, le débat est lancé dans la presse… « Mais où est donc passé l’argent de l’ISF ? », s’interroge en Une La Croix. « En allégeant la taxation du patrimoine, Emmanuel Macron faisait le pari que les sommes économisées par les plus aisés contribueraient à alimenter « l’économie productive« . Un an après le vote de la réforme, il demeure toutefois difficile de retracer la voie prise par les milliards d’euros d’allégements. »

Les chiffres sont là, toutefois, pointe La Croix : « entre l’ISF de 2017 et l’IFI de 2018, les comptes sont vite faits. Pour sa dernière année, l’impôt sur la fortune a rapporté 4,2 milliards d’euros. Pour la première année de l’impôt sur la fortune immobilière, Bercy table sur des recettes de 1,1 milliard d’euros. Avec cette mesure, les contribuables les plus aisés ont donc vu leur facture s’alléger de 3,1 milliards. »

Où est passé cet argent ? Est-il allé alimenter l’économie productive ? Ou bien est-il resté dans les poches des riches ? Difficile de le savoir pour l’instant.

Vu de l’étranger ?

Enfin, comment cette crise des « gilets jaunes » est-elle ressentie à l’étranger ? Sud-Ouest se penche sur la question.

« Au-delà de l’emphase des mots, et des photos choc de la « plus belle avenue du monde » envahie par les casseurs, le ton ne se borne pas au retour des clichés habituels sur une France allergique aux réformes et tenaillée par l’envie d’en découdre, relève Sud-Ouest. (…) De voir un président français, largement élu il y a dix-neuf mois à peine, se débattre si vite dans un tel pétrin incite les observateurs étrangers à regarder plus large. Comment remédier aux carences d’un modèle socio-économique qui a fait naître de telles frustrations ? Comment répondre à la demande d’égalité et vaincre l’hydre de l’évasion fiscale qui prive tous les États de marges de manœuvre ? Mais surtout, interroge encore Sud-Ouest, comment améliorer le dialogue avec les citoyens à l’ère des réseaux sociaux où vérité et mensonge cohabitent, et où la viralité des mots d’ordre peut coaguler colère et émotions sans offrir de garde-fous ? Ces questions se posent partout. Avec ou sans gilet jaune. »

RFI

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