La chasse aux Rohingyas, les « nègres » de Myanmar

Selon l’ONU, les Rohingyas forment la minorité la plus persécutée au monde. Mais à Myanmar (ancienne Birmanie), le mot « Rohingya » est strictement interdit. On les appelle plutôt « Bengali » ou « Kalar ». Terme très péjoratif pour désigner les Rohingyas et autres musulmans à la peau foncée, Kalar est l’équivalent de « nègre ».

La « négritude » des Rohingyas est une perception largement répandue dans la société birmane, y compris parmi les franges les plus progressistes des démocrates. C’est ce qu’illustre une caricature publiée l’an dernier par le site d’information indépendant Irrawady. Elle dépeint les Rohingyas à travers un individu noir à moitié nu, s’apprêtant à sauter dans un bateau pour couper la file d’attente d’un groupe de Birmans.

Il faut dire que les préjudices contre les Noirs sont culturellement ancrés en Asie aussi, tant et si bien que le grand Mahatma Ghandi ne semble pas y avoir échappé. Selon les révélations d’Ashwin Desai et Goolam Vahed, Ghandi aurait incessamment défendu auprès des colons britanniques la supériorité de la race indienne sur les noirs. Il aurait traité ces derniers de « sauvages » et d’« ignorants » qui mènent une vie de « paresse et de nudité ».

En plus du racisme anti-noir, les Rohingyas birmans souffrent des stéréotypes réservés aux musulmans, essentiellement présentés comme « sales », « féconds », « fanatiques » et « terroristes ». Le résultat est une déshumanisation extrême de ce groupe comme en attestent cette déclaration d’Ashin Wirathu, le plus influent des moines de la haine bouddhistes : « Les caractéristiques des poissons-chats d’Afrique sont : ils grandissent très vite. Ils se reproduisent très vite aussi. Et puis ils sont violents. Ils mangent les membres de leur propre espèce et détruisent les ressources naturelles de leur environnement. Les musulmans sont exactement comme ces poissons, » a-t-il confié au cinéaste Barbet Schroeder.

Les Rohingyas sont souvent traités de « vermines », de « chiens enragés » et de « bêtes sauvages ». Pour l’ancien ministre Khin Maung Oo, ils ne sont que de « détestables puces humaines » qui sucent le sang de la nation ; une « épine » à arracher. Un autre dirigeant politique est allé jusqu’à inciter la foule à Yangon à « tuer et enterrer » tous les Rohingyas, selon l’ONU qui a préféré ne pas le nommer.

Ce discours n’est pas sans rappeler la propagande anti-tutsie avec l’utilisation du terme « cafards », accusant les Tutsis d’être des conquérants d’origine « nilotique » avides de pouvoir. De nombreux experts y voient une composante essentielle de ce qu’ils qualifient de « génocide » des Rohingyas. Deux études juridiques menées entre 2014 et 2015 par l’International State Crime Initiative de l’Université Queen Mary de Londres et par la faculté de droit de Yale, Yale Law School ont même conclu que ce génocide aurait déjà atteint sa phase finale.

Mais l’ONU ne voit pas la tragédie de cet œil. Elle continue de l’assimiler au « nettoyage ethnique » ; une désignation qui relève de l’imposture diplomatique. Car le droit international ne reconnaît pas de crime sous ce nom. Le nettoyage ethnique n’a jamais été juridiquement défini ou codifié dans une convention internationale.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide n’a pas été activée pour empêcher les massacres au Rwanda, à Srebrenica ou au Darfour

Et lorsque le Conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide, Adama Dieng, annonce que les crimes commis contre les Rohinygas pourraient relever de la Convention sur le génocide, l’organisation mondiale fait la sourde oreille. Il s’agit de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui a été adoptée en 1948, sans pour autant être activée pour empêcher les massacres au Rwanda, à Srebrenica ou au Darfour.

L’indifférence internationale face au massacre et à la chasse aux « nègres » de Myanmar prouve que « la Convention [sur le génocide] n’est pas nécessaire lorsqu’elle est applicable et non applicable lorsqu’elle est nécessaire », pour reprendre les propos ironiques de Georg Schwarzenberger.

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