Valls peut-il être exclu du PS ?

Les demandes de «sanctions» à l’égard des socialistes pro-Macron se font pressantes. Lundi, des proches de Hamon vont demander le retrait des investitures législatives aux candidats ayant appelé publiquement à voter pour Emmanuel macron

«Moi? Je serais exclu par ceux qui n’ont respecté aucune règle pendant 5 ans?» En enfreignant mardi les règles du Parti socialiste par son soutien à Emmanuel Macron, Manuel Valls a ouvert le sujet «sanctions» au PS. Depuis sa ville de Lille, Martine Aubry, soutien de Benoît Hamon, a donné un avis qui compte en tant qu’ex-patronne du parti : «Si j’étais Premier secrétaire du PS, je leur aurais dit depuis longtemps : « on n’est pas socialiste par déclaration mais parce qu’on défend des valeurs qui sont les nôtres »». Haro sur Valls et tous les socialistes qui appellent à voter pour Macron au détriment de Hamon ? «Si des gens veulent saisir la commission nationale des conflits, faut pas qu’ils se gênent!, s’agace un membre de la direction du PS. Il reste trois semaines de campagne. Si les proches du candidat pensent que le mieux pour lui est de se lancer dans ce feuilleton, allons-y! Mais faire vivre ce débat plus qu’il ne vit par lui-même, je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt du candidat.»

Pour calmer le jeu, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis s’est fendu mardi d’un communiqué et d’une lettre à ses militants. Dans cette dernière, il a mis en garde contre «les tenants de la Saint-Barthélémy socialiste […] toujours de très mauvais conseillers». «Il faudrait stigmatiser, exclure, couper. Qui peut croire que ce nouveau feuilleton servirait notre candidat? Qui peut penser que ces purges favoriseraient les élections législatives?» a-t-il écrit avant de donner la position officielle du PS : «Ceux qui ont rejoint En marche ne sont donc plus au Parti socialiste. Il n’y a pas de double appartenance. Ceux qui parrainent ne peuvent plus s’en réclamer». Et les autres? Cambadélis renvoie aux statuts complexes où «chaque fédération est en droit de faire appel à la commission fédérale des conflits pour tout manquement à la discipline» Et le patron du PS de conclure : «Il n’y a chez nous – au contraire d’autres organisations – aucun fait du prince […] Il faut être ferme et proportionné et ne pas rendre central ce qui relève à cette étape de décisions individuelles que je combats.»

Les pro-Hamon demandent une «clarification»

Mais pour l’entourage de Hamon, cette ligne «ne suffit plus». Certains proches du candidat veulent en découdre dès lundi, profitant d’un bureau national où les questions législatives sont au menu. «On va avoir un débat sur ce qu’on fait avec des personnes qui prennent publiquement et indiscutablement des positions contre notre candidat et pour Emmanuel Macron. Et on ne peut pas dire que Valls se soit tu», assure un lieutenant du candidat à la présidentielle qui compte demander à cette instance du PS de «retirer les investitures» aux pro-Macron. Statuts du parti en main, les soutiens du candidat à la présidentielle comptent s’appuyer sur un article (le 4.3.3) qui éviterait, selon eux, d’en passer par une trop longue procédure. Ce dernier permet, au BN, entre deux réunions du Conseil national, de «prononcer [une] sanction», «dans le cas d’indiscipline caractérisée survenant après que les instances qualifiées du parti ont accordé l’investiture aux candidats». «Il n’est pas question de déclencher une purge, tempère un membre du Bureau national pro-Hamon. C’est une chose de refuser une investiture. C’en est une autre d’exclure».

Pour autant cette ligne dure fait encore débat dans l’entourage du candidat. Ses soutiens oscillent entre volonté de représailles immédiates et celle d’attendre la fin de la présidentielle. «Ce sont des questions de parti qu’il faudra régler en son temps», explique d’abord l’eurodéputé Guillaume Balas avant de se montrer plus ferme : «Il n’est plus possible d’appartenir au PS en ne soutenant pas Benoît Hamon pour soutenir Emmanuel Macron. On doit se réunir pour mettre en œuvre la clarification nécessaire». Avant le 1er tour? «ça, on verra», répond-il. Même volonté d’en découdre chez le codirecteur de campagne de Hamon, Mathieu Hanotin : «On ne pourra pas avoir été au four et vouloir être au moulin».

«PSxit»

Dès mardi soir, avant même l’annonce de Valls, le sujet a d’ailleurs été mis sur la table en commission électorale du parti. Certains proches de Hamon mais aussi la députée des Hautes-Alpes, Karine Berger, ont notamment réclamé le retrait des investitures législatives aux socialistes ayant pris position en faveur d’Emmanuel Macron. «La direction nous présente la notion de « campagne active pour un autre candidat que celui du PS », comme seul critère de sanction, rapporte un participant. Mais ça veut dire quoi? Distribuer un tract ? Trois articles dans la presse? On n’a pas un Code pénal pour qualifier l’échelle des peines…»

Comme plusieurs membres du gouvernement, Valls, redevenu député de la 1ère circonscription de l’Essonne après son départ de Matignon, a bénéficié fin 2016 d’un report de sa désignation aux législatives de juin. Le 8 mars 2017, il a écrit aux instances compétentes pour se porter candidat à sa succession et, quelques jours plus tard, lors d’un vote interne – il était seul candidat – il a été désigné investi par les militants socialistes. «Mais, normalement, la situation de Valls devrait être remise en cause», veut croire un des soutiens de Hamon. «Comme le lui a déjà dit Martine Aubry [dans une lettre en juillet 2009 à une époque où Valls multipliait les critiques contre le PS, ndlr] : « le PS tu l’aimes ou tu le quittes », ajoute un autre. Là il le quitte. Et le « PSxit », c’est comme le Brexit : on ne peut pas partir en gardant des droits mais en oubliant les devoirs. Ce n’est pas possible». «Ils sont en panique, riposte un proche de Valls. Je n’ai pas connu l’époque du Parti communiste de l’épuration mais on n’en ait pas loin.» La présidentielle n’est pas encore terminée que, déjà, les règlements de comptes commencent. «Des gens qui appellent à voter Macron, il y en a partout! rappelle un proche de Cambadélis. Si tout le monde commence à mettre des candidats contre tout le monde, à la fin des fins, il n’y aura plus beaucoup de socialistes.»

Lilian Alemagna

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