RESTITUTION DES BIENS CULTURELS AFRICAINS : FELWINE SARR ÉVOQUE LA DIFFICULTÉ PSYCHOLOGIQUE DE LA MISSION

 L’universitaire et économiste sénégalais Felwine Sarr a évoqué mercredi à Dakar la dimension ’’psychologique » de la mission sur la restitution des biens culturels africains détenus par les musées français dont il avait été chargé avec l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy, un volet selon lui plus difficile que la partie juridique du travail qui leur avait été demandé.
« Il existe des solutions juridiques, le droit est plastique, quand le politique veut faire évoluer le droit, il le fait. Le droit est l’expression de rapports de forces momentanés, car certains avaient soulevé le Code du patrimoine français comme un prérequis à toute restitution’’, a-t-il dit.
Mais il se trouve que « les sociétés françaises rencontrées avaient du mal à accepter qu’on les questionne sur la manière dont ils ont intégré dans leur patrimoine les biens culturels africains », a ajouté Felwine Sarr, lors d’une cérémonie de présentation du livre « Restituer le patrimoine africain », ouvrage qu’il a co-écrit avec Bénédicte Savoy.
« La difficulté était que ces sociétés, ces gens acceptent qu’ils devaient restituer, que les conservateurs de musées, les gestionnaires des institutions patrimoniales acceptent cette idée qu’ils devaient se séparer de ces objets », a insisté l’économiste sénégalais, en présence de l’historien camerounais Achille Mbembe.
Selon lui, ces gens « avaient du mal à accepter ce que cela dit de l’histoire coloniale, de leur histoire avec les autres et ce que le retour pouvait signifier dans le fait qu’ils sont héritiers pour un certain nombre d’un geste qui est problématique d’un point de vue éthique ».
Il note que « ces gens installés dans un confort symbolique » ont avec le temps « cru que leur rapt avait été naturalisé », ce qui explique, selon l’économiste, la cristallisation du débat sur les conditions d’accueil des objets en Afrique.
Aussi ont-ils souvent fait valoir : « Oui, nous ne les avons pas volés, nous les avons sauvés », a indiqué l’universitaire et économiste sénégalais, selon qui la question technique de la restitution était ’’soluble’’, en comparaison de cet aspect psychologique.
« C’était un refus de reconnaitre que ces objets disent quelque chose de l’histoire coloniale française, de leur comportement dans leur espace. La restitution a ouvert ce débat », a-t-il indiqué.
La mission de réfléchir au retour de ces œuvres d’art ’’gracieusement’’ menée et terminée, « c’est aux destinataires du rapport de faire le suivi », a-t-il ajouté.
Sur la question de la réparation financière soulevée par certains Africains, l’écrivain juge ce point « incommensurable », toute évaluation financière étant « en deçà de ce qui a été pris ».
Felwine Sarr fait par ailleurs valoir que certains conservateurs africains ont formulé le vœu de voir une partie significative de leurs biens culturels rester pour assurer leur présence culturelle dans le monde.
« Ils ne désirent pas tout prendre, mais les objets les plus significatifs d’un point de vue symbolique, ils les veulent. Leur désir, c’est que l’on reconnaisse que ces objets leur appartiennent », explique-t-il.
Beaucoup de pays comme le Sénégal, le Mali, le Maroc, entre autres, ont annoncé être en train de faire la liste de biens culturels à restituer par la France.

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