Que reste-t-il du despote Idi Amin Dada en Ouganda ?

Près de 40 ans se sont écoulés en Ouganda depuis la fin du règne du dictateur sanguinaire Idi Amin Dada. Pour certains, le chef d’État a laissé un souvenir amer de ses huit années passées au pouvoir, entre terreur, massacre de la population et torture. Mais les plus jeunes invoquent d’autres facettes du dictateur : celles d’un bâtisseur, d’un nationaliste et d’un indépendantiste. Nos reporters sont partis sur les traces de son héritage.

Enquêter sur l’héritage du président ougandais Idi Amin Dada (1971-1979), c’est faire un bond dans le passé. Un flash-back vers cette Afrique alors peu urbanisée, qui cherche ses marques au lendemain des vagues d’indépendances. Certains ont peut-être vu le film hollywoodien, « Le dernier Roi d’Écosse », de Kevin Macdonald, dans lequel le dictateur ougandais est interprété par Forest Whitaker. Un personnage ambigu, parfois drôle et attachant, mais parfois aussi jaloux, paranoïaque, violent et cruel. C’est le même portrait que nous en font les témoins de cette époque que nous avons pu rencontrer en Ouganda.

Nous pensions accumuler les témoignages accablants sur ce personnage, mais à notre surprise, seuls les anciens, ceux qui ont vécu cette époque – qu’ils en aient été les acteurs ou les victimes –, regrettent cette période dictatoriale, d’instabilité et de massacres. La plupart des jeunes d’aujourd’hui en ont une toute autre vision.

Il n’aura donc fallu que quarante ans pour que les Ougandais oublient les 300 000 morts imputés à Amin Dada ? Pour qu’ils fassent abstraction des exactions quotidiennes des hommes du despote et ignorent que les populations vivaient dans la peur, que l’on pouvait être enlevé sur un soupçon et torturé à mort pour avouer un crime que l’on n’avait pas commis ?

Le second pays le plus jeune au monde

Avec 80 % de la population âgée de moins de 30 ans, l’Ouganda est aujourd’hui le second pays le plus jeune au monde. Plus personne ou presque n’a vécu les années Amin Dada. Les plus jeunes n’ont connu que le président actuel, Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986. L’Ouganda connaît actuellement la période de stabilité politique la plus longue depuis son indépendance, en 1962. Le pays est un îlot de stabilité dans une Afrique de l’Est troublée. Mais des millions de jeunes attendent de trouver un emploi, alors que la démographie s’emballe et que la corruption est omniprésente. Le gouvernement mise beaucoup sur sa future production pétrolière.

Dans les esprits des plus jeunes, la nostalgie d’un Ouganda influent sur la scène internationale et émancipé économiquement, dans lequel l’on bâtissait “des hôpitaux et des routes”, a pris le pas sur le souvenir des pages sombres de l’histoire. Certaines des infrastructures les plus importantes que compte la capitale, Kampala, ont en effet été construites à cette époque. Une période où l’Ouganda a même pris le leadership dans la production mondiale de café. De nombreux politiciens se réclament encore aujourd’hui de cet héritage économique. Comme le pasteur Abwed Bwanika, candidat malheureux à la présidentielle qui ne nous a accordé que quelques minutes d’interview.

Dans ce reportage, nous avons rencontré des jeunes Ougandais nostalgiques d’un âge d’or fantasmé et révolu, mais aussi les anciens qui n’ont rien oublié. Comme Ndawula Seguya, qui a perdu son frère et a pris les armes contre Idi Amin Dada. Ou encore Sanjiv Patel, Ougandais d’origine indienne qui a dû fuir le pays lorsqu’Idi Amin Dada a décrété que ces derniers volaient le travail des Ougandais. Nous avons même retrouvé l’ancien photographe personnel du dictateur, Elly Rwakoma. Lui aussi a dû fuir le pays à cause d’une photo qui n’avait pas plu. Despote honni ou héros adulé, Amin Dada reste bien présent dans les esprits des Ougandais d’aujourd’hui.

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