La Mecque : populaire au hajj, le « selfie » irrite les conservateurs

La folie des « selfies » a saisi cette année les pèlerins à La Mecque, qui se prennent en photo devant les sites les plus sacrés de l’islam, au risque d’irriter les religieux tenants de la tradition.

Youssef Ali lève un bras devant lui, étreint son père et tous deux sourient à l’appareil photo devant les stèles de lapidation de Satan. Un peu plus loin, Ali Mohammed Ali, 24 ans, prend un selfie devant la pancarte verte sur laquelle est écrit « la Grande Jamarah », l’une des trois stèles du site de Mina, à quelques kilomètres de La Mecque.

« Comme c’est mon premier hajj, il est important d’enregistrer ce qui se passe autour de moi », explique ce Koweïtien barbu et vêtu d’une façon décontractée, avec pantalon de survêtement et paire de sandales.

« Partout où je vais, je prends des photos, surtout depuis qu’il existe ces petites caméras qui permettent les vues panoramiques », ajoute-t-il, tout sourire.

Malgré ses 65 ans, le père d’Ali ne voit pas de mal à prendre des clichés de soi-même. Car, selon lui, « ceux qui prennent ces photos immortalisent un évènement rare, une expérience unique dans la vie d’un musulman ».

Du Tawaf, la circonvolution autour de la Kaaba, monument cubique au milieu de la Grande mosquée vers lequel les musulmans s’orientent pour prier, au Mont Arafat, lieu de prière et d’invocation, toutes les étapes du rituel sont ainsi immortalisées par les centaines de milliers de pèlerins venus cette année à La Mecque.

Cela fait du hajj, le plus grand rassemblement annuel musulman qui s’achève mardi, l’un des évènements les plus diffusés sur les réseaux sociaux.

#Hajjselfie

Deux femmes en abaya, ample robe noire couvrant tout le corps, s’apprêtent elles aussi à effectuer le rituel de lapidation au lendemain de la célébration de l’Aïd al-Adha, la fête du sacrifice. Mais, avant, elles s’arrêtent brièvement pour un rapide autoportrait.

« Ma fille et moi, nous prenons des selfies pour envoyer nos images aux membres de notre famille à Paris », témoigne la mère, Oum Abdallah, une Saoudienne de 44 ans de Jeddah (ouest).

Wafa Ahmed, sa fille de 19 ans, avoue « aimer prendre des selfies » partout où elle va pour les montrer à ses amis et les garder pour elle.

Mais ce phénomène ne va pas sans susciter l’incompréhension ou l’hostilité de fidèles conservateurs qui les expriment notamment en utilisant le hashtag #Hajjselfie sur Twitter. « Quand il a effectué la Omra (petit pèlerinage) au milieu des années 1990, mon père a failli se faire confisquer sa caméra aux cris +haram+ (illicite), alors que maintenant tout le monde fait des selfies » avec son téléphone portable, s’étonne un fidèle.

« Le Hajj est un dépassement de soi. Les selfies n’apportent rien », dit un autre.

Interrogé par l’AFP, un professeur de théologie à Ryad ne voit « pas de problème si les photos sont destinées à l’usage personnel et non à une large diffusion ». « Si l’objectif est de se glorifier, elles sont illicites, notamment celles prises pendant les rituels du hajj », précise-t-il cependant.

Pour cela, « il vaut mieux que les musulmans les évitent », conclut ce religieux sous couvert d’anonymat.

L’adolescente saoudienne Wafaa Ahmed avoue ne pas être convaincue par cette consigne car « prendre des selfies n’a rien à voir avec la religion ».

Des pèlerins plus âgés, comme Mohammed Ali, partagent son scepticisme. Les appareils photo sont des « outils, tout comme les téléphones mobiles que les religieux n’ont pas interdit et qu’ils utilisent eux-mêmes ».

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