Le manifeste de Zuckerberg pour la construction d’une communauté informée, une menace pour le journalisme ?

Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, a publié un manifeste intitulé « construire une communauté mondiale » dans lequel il a insisté sur l’importance d’une « industrie forte de l’actualité ». Estimant que l’actualité est « critique pour la construction d’une communauté informée », Zuckerberg a assuré que Facebook va faire plus pour « s’assurer que cette fonction sociale vitale est pérenne ».

Il est revenu sur les deux problèmes majeurs qui ont suscité le plus de discussions concernant les actualités, notamment « la diversité des points de vue (bulles de filtrage) et l’exactitude de l’information (fausses actualités) » : « cela me préoccupe et nous les avons beaucoup étudiés, mais je crains aussi qu’il y ait des effets encore plus puissants que nous devons atténuer autour du sensationnalisme et de la polarisation conduisant à une perte de compréhension commune ».

« L’exactitude de l’information est très importante. Nous avons progressé en luttant contre les canulars de la façon dont nous luttons contre le spam, mais nous avons encore du travail à faire. Nous procédons avec prudence parce qu’il n’y a pas toujours une ligne claire entre les canulars, la satire et l’opinion. Dans une société libre, il est important que les gens aient le pouvoir de partager leur opinion, même si d’autres pensent qu’ils ont tort. Notre approche va moins se concentrer sur l’interdiction de la désinformation mais plus sur la mise en évidence de perspectives et d’informations supplémentaires, par exemple avec le fact-checking pour contester ou non l’exactitude d’un élément ».

Pour Zuckerberg, les médias sociaux offrent déjà des points de vue plus diversifiés que les médias traditionnels : « même si la plupart de nos amis sont comme nous, nous connaissons tous des personnes ayant des intérêts, des croyances et des antécédents différents qui nous exposent à des perspectives différentes ».

Le PDG assure que l’objectif de Facebook concernant les actualités est d’aider les utilisateurs à voir le tableau dans son ensemble. « Nous devons faire attention à ce que nous faisons. Selon une recherche, certaines des idées les plus évidentes, comme montrer aux gens un article d’une perspective opposée, approfondissent la polarisation en encadrant d’autres perspectives comme étant étrangères. Une approche plus efficace est de montrer une gamme de perspectives, de laisser les gens voir sur quel spectre se situent leurs points de vue, et de parvenir à une conclusion sur ce qu’ils pensent être juste. Au fil du temps, notre communauté déterminera quelles sources fournissent un éventail complet de perspectives de sorte que le contenu sera naturellement plus en surface ».

Son manifeste n’a pas été unanimement bien accueilli par toute cette « industrie de l’actualité ». Pour le quotidien The Atlantic par exemple, les journalistes doivent être en alerte parce que ce manifeste est une menace pour eux. « La menace actuelle de Facebook pour le journalisme est bien établie. Il s’agit, à la base, du flux de dollars publicitaires sur lesquels les organismes d’actualités ont jadis compté. De cette façon, le rôle de Facebook est une continuation de ce qui a commencé en 1995, lorsque Craigslist a été fondée. Son fondateur, Craig Newmark, n’a pas activement visé à décimer les journaux, mais Craigslist a encore éviscéré un flux de revenus crucial pour l’impression quand les gens ont cessé d’acheter des annonces classées dans les journaux ».

« Le manifeste de Zuckerberg décrit un plan pour la prochaine phase de ce dégroupage [des services d’actualité en ligne] et il représente une expansion de la menace existante de Facebook pour l’industrie des actualités. Facebook a déjà l’argent […] maintenant Zuckerberg indique clairement qu’il veut que Facebook prenne en charge bon nombre des fonctions réelles que les entreprises traditionnelles d’actualités avaient autrefois ».

« Zuckerberg utilise un langage abstrait dans son manifeste – il veut que Facebook développe “l’infrastructure sociale pour la communauté”, comme il l’écrit. Mais ce qu’il décrit, c’est la construction d’une entreprise médiatique avec des objectifs journalistiques classiques : le Facebook de l’avenir “pour nous garder en sécurité, pour nous informer, pour l’engagement civique et pour l’inclusion de tous” », a déploré The Atlantic.

De son côté, Mark Zuckerberg a tenu à rappeler que, malgré le fait que des actualités sont diffusées sur la plateforme, « la grande majorité des conversations sur Facebook sont d’ordre social, pas idéologique. Il s’agit d’amis partageant des plaisanteries et des familles qui restent en contact tout en étant dans des villes différentes. Il s’agit de personnes qui trouvent des groupes, qu’ils soient de nouveaux parents qui élèvent des enfants ou des patients nouvellement diagnostiqués souffrant d’une maladie. Parfois, c’est juste pour le plaisir d’échanger sur la religion ou le sport. Il arrive que ce soit une question de survie, comme les réfugiés qui communiquent pour trouver un abri ».

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