MANDINA MANCAGNE, LE DERNIER ÉLECTROCHOC DU CONFLIT CASAMANÇAIS

La tragédie de Mandina Mancagne, du nom de ce village des environs de Ziguinchor où 25 militaires sénégalais avaient été tués dans une embuscade tendue par des éléments de la rébellion casamançaise le 19 août 1997, a été à l’origine d’un « électrochoc » ayant amené les protagonistes de la crise à chercher ailleurs que dans les armes des solutions au conflit armé déclenché il y a quelques 35 dans cette zone méridionale du Sénégal, a analysé l’historien Nouha Cissé.

« C’est un évènement tragique qui a vu une partie de l’armée être décimée, plongeant la Casamance dans la crise. Il y a eu un électrochoc qui a amené les différentes parties à une prise de conscience. Cet électrochoc a provoqué une vanité de l’affrontement pour solder le conflit », a souligné l’historien.

Il y a 19 ans, une unité spéciale de l’armée sénégalaise, dont la mission était de déloger une bande de porteurs d’armes identifiés comme des éléments du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, rébellion), avait perdu 25 de ses éléments dans cet assaut contre cette base rebelle.

Ce qui devait être une attaque-surprise avait fini par devenir une des plus grandes défaites de l’armée sénégalaise piégée par une embuscade tendue par les rebelles qui auraient été au courant de cet assaut et qui s’y étaient préparés.

L’environnement particulier de Mandina Mancagne, un village situé à environ trois kilomètres à la sortie sud de Ziguinchor, à moins d’une quinzaine de kilomètres de la frontière avec la Guinée Bissau, faisant que les rebelles avaient l’avantage du terrain.

Mandina Mancagne en effet, c’est aussi une forêt dense traversée de temps à autre par des rizières rendant l’accès encore plus difficile.

Au lendemain de l’évènement de Madina Mancagne, « il y a eu une réorganisation de l’aile militaire du MFDC. Et cela a conduit en décembre 1999 aux assises dites de Banjul (Gambie) et tout le monde était conscient que le conflit avait atteint une limite qu’il ne fallait plus franchir », a ajouté M. Cissé, observateur averti du processus de paix en Casamance.

« Lors de l’enterrement de ces militaires tués au cimetière mixte de Santhiaba, nous avons vu des mères pleurer pas parce qu’elles ont perdu leurs enfants, mais parce que certainement ces victimes ont été tuées par leurs propres frères qui étaient de l’autre camp », a témoigné Nouha Cissé, s’entretenant vendredi sur la question avec des journalistes locaux.

Selon l’historien, à partir de la tragédie de Mandina Mancagne, tout le monde s’est convaincu que la solution au conflit casamançais se trouve probablement ailleurs que dans la poursuite des combats armés. Aussi a-t-il salué « la tendance à l’accalmie provoquée par le choc de Mandina Mancagne’’.

« C’était un spectacle tragique fait de bruits d’obus et de crépitements d’armes tout au long de la journée jusqu’à la nuit avec des frappes lourdes », a de son côté relevé 19 ans après, Ibrahima Gassama, l’un des rares reporters à avoir couvert cet évènement tragique.

« L’accès à l’information était difficile parce que les populations de Mandina Mancagne avaient du mal à relater et à témoigner de ce qui se passait parce qu’elles ne voyaient rien du tout. Elles étaient terrées chez elles et entendaient le bruit des armes », a indiqué Gassama, à l’époque reporter à Sud Fm, une station privée dakaroise.

« Le bruit des armes, le défilé des chars et de véhicules blindés mélangés aux incessants va-et-vient des ambulances. Mais à nos risques et périls, nous étions allés sur le terrain avec mon confrère Mamadou Moussa Ba (actuellement à la BBC) à la recherche de la bonne information », s’est rappelé M. Gassama, actuel directeur de la radio Zig FM.

Le conflit casamançais, marqué par des centaines de victimes civiles et militaires, connaît une certaine accalmie ces dernières années environ, après des pics de violence dans les années 1990.

Mis à part des attaques d’éléments isolés ça et là, suivies très souvent d’opérations de ratissage de l’armée sénégalaise, ce conflit semble s’inscrire dans la dynamique d’un processus de paix engagée à partir des années 2000 par l’Etat et le MDFC, ce qui a permis le retour de milliers de personnes déplacées et la reconstruction de villages rasés ou désertés.

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