Leadership consensuel et mobilisateur: le casse-tête de l’opposition

Dans sa volonté de présenter une liste commune en perspective des Législatives du 30 juillet prochain, l’opposition sénégalaise risque de buter sur la lancinante question du leadership consensuel autour duquel elle va se regrouper. Pour mobiliser les populations sénégalaises.

Les élections législatives du 30 juillet prochain sont parties pour être âprement disputées entre une majorité présidentielle plus que soudée et une opposition au leadership éclaté. Contrairement à la coalition de la mouvance présidentielle, Benno bokk yaakaar (BBY), réunie autour d’une seule constance en la personne du président de la République, Macky Sall, le Front pour la défense du Sénégal/Mankoo wattu Senegaal (FDS/MWS) n’a pas jusqu’ici un leader d’envergure nationale autour duquel tous les autres alliés se retrouveront.

Malgré les multiples coalitions qui se forment çà et là, les leaders de l’opposition n’ont pas encore défini clairement une tête de liste ou un chef de file. Mieux, certains d’entre les leaders de Mankoo wattu Senegaal accordent peu d’importance à cette question de tête de liste. A Reubeuss lundi dernier pour rendre visite à Khalifa Sall et Bamba Fall, deux leaders de la coalition  Taxawu Dakar, incarcérés pour des délits différents, Idrissa Seck a minimisé le sujet lorsqu’il a été interpellé à cet effet. Mais pour l’analyste politique Ibou Sané, l’opposition manque véritablement de leader consensuel derrière lequel se rangeront tous les alliés. Selon lui, c’est ce qui explique la présence  massive  d’opposants  à la manifestation du mouvement Y en a marre, le vendredi 7 avril passé à la place de la Nation. ‘’Quand Y en a marre a appelé à une manifestation, tout le monde s’est  tourné vers  ce mouvement, alors que théoriquement, c’est le Pds qui devait rassembler les gens. Ça montre qu’on manque de leader au sein de l’opposition’’, souligne-t-il.

Loin de cette analyse, le Secrétaire général du Fsd/Bj est d’avis que la question de leadership est un faux débat. A ses yeux,  les partis sont libres et autonomes. Par conséquent,  personne ne peut décréter un leader de l’opposition. ‘’Il y a un leadership naturel, celui que chacun exerce dans sa formation politique. Ne soyons pas pressés, un leader  ne s’impose jamais’’, a recadré Cheikh Bamba Dièye. En outre, il pense  que désigner une   tête de liste, que ce soit au niveau  départemental ou national, répond d’abord à une stratégie électorale qui n’est   pas  forcément liée à la question sur le leadership de l’opposition. ‘’Il nous faut faire des arbitrages à l’intérieur des listes départementales qui vont impacter sur la manière de confectionner la liste nationale’’, a-t-il soutenu. Abondant dans le même sens, le porte-parole de la Convergence libérale démocratique/Bokk gis gis (CLD/BGG) estime qu’on a dépassé le stade où le leadership est incarné par une seule personne.  ‘’On est à l’ère  des teams-management, on assiste à un leadership éclaté où chacun garde une portion de terrain’’, déclare Moussa Diakhaté.  Une position que semble partager le chargé de communication du Parti démocratique sénégalais. Car,  aux dires de Mayoro Faye, l’opposition regroupe plusieurs leaders avec des rangs, des ambitions et perceptions différents.

Wade, chef de l’opposition ?

Si la question du leadership se pose au sein de l’opposition, c’est parce que celle relative au statut de son chef, pourtant prévu par la constitution adoptée à l’issue du référendum du 20 mars 2016, n’est pas jusqu’ici réglée. Le Président Macky Sall qui a consacré cette disposition dans la charte du pays traîne jusqu’ici les pieds pour définir les modalités de sa matérialisation. L’opposition à qui il renvoie la balle n’a, elle non plus, jusqu’ici entrepris aucune action allant dans le sens d’imposer au régime une application de cette disposition, à part les récriminations d’Aïda Mbodj prononcées à l’Assemblée nationale lors du dernier passage du Premier ministre à l’hémicycle dans le cadre des questions d’actualité. ‘’Depuis un an que le référendum de Macky Sall qui consacre un statut du chef de l’opposition a été adopté, aucun acte allant dans le sens de matérialiser cette disposition n’a été pris. Un an après l’adoption de cette réforme, les droits de l’opposition, plutôt que d’être renforcés, sont piétinés…’’, a dénoncé la Présidente du groupe parlementaire ‘’Libéraux et démocrates’’. Mais Aida Mbodj n’aura pas une réponse favorable venant du Premier ministre. ‘’Le chef de l’opposition ne peut pas être désigné ex-nihilo. C’est à la classe politique de savoir qui doit incarner le chef de l’opposition’’, a rétorqué Mahammed Boun Abdallah Dionne. Sur cette question, le politologue Ibou Sané pense qu’il faut attendre le lendemain des Législatives pour définir le statut du chef. Cependant, il pense que l’ancien Président Wade serait le mieux indiqué pour diriger la barque vu ses résultats  aux dernières  élections. Seulement, le politologue relève que l’âge avancé du prédécesseur de Macky Sall et les difficultés que traverse sa formation politique peuvent constituer un obstacle à ce projet. ‘’Ils vont finalement se tourner vers quel parti ?  C’est une équation’’, questionne-t-il.

Du côté des opposants, l’on pense qu’il n’y a pas péril en la demeure. Cheikh Bamba Dièye est d’avis qu’on ne peut pas demander à l’opposition d’arbitrer d’autant plus que le décret d’application  a déjà été signé par le président de la République. ‘’C’est un titre qu’on confère à un membre de l’opposition en fonction de l’ossature de sa formation politique. Cela ne voudra jamais dire qu’il contrôle tous les autres partis de l’opposition. Les formations politiques étant libres et autonomes, il n’y a pas de quoi fouetter un chat là-dessus’’, estime le leader du Fsd/Bj. Avant de préciser : ‘’Il faut qu’on arrête uniquement de discuter sur des questions de préséance ou de prébendes liées à une posture. Cela n’apporte pas de plus-value réelle dans les conditions de vie des Sénégalais.’’

Le porte-parole de la formation politique de Pape Diop pense pour sa part que le gouvernement n’a pas créé les conditions favorables pour installer le statut du chef de l’opposition. ‘’Le modus operandi n’a pas été élaboré.  Sur quoi nous appuyer pour désigner le chef de l’opposition ? Quel est le critère d’appréciation ?  Ces questions devraient faire l’objet d’un consensus de la classe politique. Quand le Pm dit que c’est à l’opposition de créer les conditions, c’est une manière de nous  diviser’’, s’insurge-t-il. Moussa Diakhaté de poursuivre : ‘’ Si nous faisons référence aux dernières élections,  ce qui apparaît, c’est que le Pds avait engrangé le plus de voix dans l’opposition. En tant que Secrétaire général de cette formation politique, Wade est le chef de l’opposition. Malheureusement, on ne sait pas pourquoi le pouvoir n’a pas voulu aller plus loin’’. Ce qui fait dire à Mayoro Faye que Macky Sall a choisi de concrétiser les points qui l’intéressaient dans le référendum. Poursuivant son analyse,  le chargé de communication du Pds pense que cette question n’est plus  une priorité pour les opposants. Qu’à  cela ne tienne ! Dans une vidéo envoyée à la presse avant-hier, le pape du Sopi ne crache pas sur l’idée de diriger une liste commune de l’opposition lors des Législatives du 30 juillet prochain.  ‘’J’ai dit à mes militants que je voulais m’écarter de ce genre d’activités mais rien ne m’empêche de le faire (Ndlr : être tête de liste de l’opposition). Si la loi me le permet, pourquoi je refuserais ? Mais je n’ai pris aucune décision dans ce sens’’’, a déclaré Me Abdoulaye Wade.

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