Filière oignon : L’autosuffisance en passe d’être relevée

Le Sénégal veut arriver à une production de 350.000 tonnes d’oignon en 2017 et être autosuffisant. Dans le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture au Sénégal (Pracas), le coût global du volet oignon est estimé à 20,9 milliards de FCfa. La production nationale a été estimée en 2014, à près de 230.000 tonnes. Le gap à combler est estimé à un peu plus de 150.000 tonnes et pourrait être résorbé à travers la régénération du capital semencier et la construction de magasins de stockage. Le Sénégal importe 180.000 tonnes d’oignon par an, entre les mois d’août et de février. Dans le delta et la vallée du fleuve Sénégal, les ingénieurs agronomes de la Saed, les producteurs et certains experts de l’agriculture, sont unanimes à reconnaître que, malgré les difficultés, notre pays est en passe de relever le défi de l’autosuffisance en oignon…

Dans le Gandiolais, zone de production d’oignon, située à une vingtaine de kilomètres de Saint-Louis, la nature déploie toute son exubérance, son charme. Le visiteur est à l’aise dans ce havre de paix. Un milieu idéal où l’on a la possibilité de taquiner la muse, de trouver le temps de remettre de l’ordre dans ses pensées. A Ricotte, Mboumbaye, Mouit, Pilote-Barre, Dégou Niaye, Tassinère, etc., nous sommes sous le charme de la nature. Dans ces villages à l’accès difficile, escarpées, les retombées économiques et sociales de la production d’oignon, sont difficilement quantifiables.

Avec les revenus tirés de la production d’oignon, confie un maraîcher âgé d’une quarantaine d’années et domicilié à Ndieling Mbaw, « nous arrivons à survivre sans difficulté, à subvenir aux besoins de nos familles, le seul problème auquel nous sommes souvent confrontés, est lié à la surproduction d’oignon durant une certaine période de l’année ». «Nous réinvestissons ce que nous gagnons du maraîchage dans d’autres domaines de l’économie locale notamment dans l’ostréiculture, la pêche maritime et continentale, l’embouche bovine, ovine, l’aviculture, etc., et cala nous permet d’avoir des ressources financières additionnelles », renchérit son épouse.

Entre Mouit et Tassinère, nous sommes éblouis par le panorama splendide. On découvre un monde où un ballet aérien incessant de moineaux invite au dépaysement, où nous pouvons deviser tranquillement avec des concitoyens affables et humbles. Mame Farma Boye quitte chaque matin le village de Mouit pour aller proposer son oignon à ses clients grossistes établis au grand marché du faubourg de Sor. « Mon mari s’occupe de la production et moi je me charge de la commercialisation. Nous ne nous plaignons pas mais nous demandons simplement au gouvernement de bloquer les importations d’oignon au moment où l’on enregistre une surproduction de l’oignon local », affirme-t-elle.

Au village de Ndiébéne Gandiole, le vent fort a du mal à étouffer les cris d’oiseau. Ces habitants du Gandiolais ont appris à aimer ce terroir, à le respecter. Ici, le climat change à tout moment. Tantôt, la chaleur est insupportable, tantôt, un brusque souffle d’air froid fait frissonner. De temps à autre, le ciel menace d’ouvrir ses vannes. Détendu, Baye Gora Sène assure ne pas être prêt d’abandonner la culture d’oignon, parce qu’il est parvenu, en tant qu’ancien pêcheur, à se reconvertir dans les activités maraîchères du Gandiolais, après avoir enduré, pendant 15 ans, le calvaire dans la zone maritime mauritanienne. Il rappelle, avec amertume, cette galère.

Reconstitution du capital semencier et construction de magasins de stockage  : Ces préalables à satisfaire
oignonL’oignon est une denrée dont la conservation peut se faire au-delà de 4 mois, mais cela requiert une certaine technicité. L’atteinte de l’autosuffisance en oignon, contrairement au riz, est plus facile à atteindre car le gap à combler pour produire la quantité d’oignon susceptible de couvrir les besoins des Sénégalais, n’est pas énorme. Assane Kâne, le directeur du Centre de gestion de l’économie rurale note qu’il est difficile de se faire une idée sur les quantités produites et commercialisables avec les pertes lors des opérations de récolte et de post-récolte qui sont encore importantes. Dans la zone des Niayes, par exemple, il est difficile d’évaluer les superficies emblavées. Assane Kâne estime qu’il faut régler deux préalables pour l’atteinte de l’autosuffisance en oignon. Il s’agit de la reconstitution du capital semencier et la construction de magasins de stockage et de conservation. M. Kâne soutient que les magasins de stockage et de conservation doivent être construits à proximité des zones de production et leur capacité doit tenir compte de l’importance de la production. Des renforcements de capacité doivent aussi accompagner ces investissements tant au niveau de la conduite de la culture qu’au niveau des techniques de stockage et de conservation. Ainsi, on pourra agir sur le prix de l’oignon pour limiter la spéculation qui entraîne souvent d’énormes pertes lors des opérations de récolte et de post-récolte. Une meilleure organisation de la filière permettra la mise en place d’un système d’information performant sur les marchés afin de jouer sur l’offre et la demande.

Des productions importantes à la délégation de Dagana
L’Association des producteurs d’oignon du Bas-Delta (Aprobad) est créée en 2009 dans un contexte difficile pour faire face aux défis de la consommation locale, de la création d’emploi et de la réintégration sociale des émigrés rapatriés. Selon Mamadou Diop, le président de cette association, celle-ci a redynamisé le secteur de l’oignon dans le Bas Delta qui était une zone à 90 % rizicole. Les paysans n’y cultivaient presque pas de l’oignon. Mais, avec les lopins de terre hors cuvette, certains cultivaient la tomate, de l’aubergine, du gombo, des concombres. Les agriculteurs ont tenté, à maintes reprises, de s’adonner à la culture de l’oignon, mais ils étaient toujours handicapés par le manque d’intrants (la banque ne voulait pas financer) et la mévente.

L’Aprobad est née dans ce contexte difficile. En plus de la redynamisation de la filière, cette association s’active dans la lutte contre la pauvreté en milieu rural, en créant des emplois, conseille les producteurs, cherche des partenaires financiers, facilite l’accès au crédit bancaire. Elle plaide pour la régulation des marchés de l’oignon pour faciliter la commercialisation et plus de considération des producteurs dans les instances de prise de décision, l’obtention d’intrants subventionnés. Mamadou Diop soutient que l’Aprobad a enregistré de bonnes productions au cours des dernières campagnes agricoles. La production a pu couvrir une part importante de la demande nationale. En 2014, par exemple, la délégation de Dagana a produit 42.610 tonnes grâce à ses producteurs dynamiques, un appui de l’Etat, un climat très favorable, un potentiel hydraulique important, une bonne expérience de production.

L’Aprobad, a-t-il rappelé, polarise dix zones (Mbane, Takk-Gagn, Diama, Savoigne, Ndiaye, Ndialakhar, Minguène, Ross-Béthio, Bokhal, Richard-Toll) et gère 19 points de collecte répartis dans le département de Dagana, le département de Saint-Louis et une partie du département de Louga. En dépité de ces performances, Mamadou Diop souligne que la filière souffre du manque de magasins de stockage et de séchage d’oignon (un seul magasin de 100 tonnes pour plus de 1.000 hectares), le manque de formation sur les techniques culturales et sur la gestion des infrastructures mises à leur disposition, l’insuffisance d’intrants, le problème de commercialisation malgré le fait que l’Etat déploie d’énormes efforts pour résoudre ce problème, en gelant temporairement l’importation de l’oignon, le manque de moyens logistiques, l’insuffisance d’aménagements structurants, le manque de semences de qualité, etc.

Pour M. Diop, la valorisation du secteur agricole commence par l’amélioration des rendements des champs et l’amélioration de la qualité des produits. Sur ce point, il estime que l’appui de la recherche est nécessaire à toutes les étapes de la production agricole.

Source:lesoleil.sn

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