Affaire Khalifa Sall : 6 juges vont statuer le 03 janvier 2019, en violation de la loi… (Par Seybani SOUGOU)

Les 6 Juges ont siégé irrégulièrement (nombre pair) à l’audience du 20 décembre 2018. Les 6 Juges (nombre pair) statueront irrégulièrement le 03 janvier 2019. Cette double violation de la loi par la Cour suprême est claire, nette et incontestable. Elle est prouvée, textes de loi, à l’appui. Les magiciens du Droit et les exégètes les plus passionnés ne pourront nier cette évidence. On peut tout interpréter sauf un nombre pair et impair.

Le rôle de la chambre criminelle de la Cour suprême du 03 janvier 2019 confirme que ce sont les 6 juges qui ont siégé (nombre pair) à l’audience du 20 décembre 2018, qui vont statuer, dans l’affaire Khalifa Sall. Pour rappel, les 6 juges sont M. Amadou BAL (Conseiller Doyen faisant office de Président), M. Waly FAYE, M. Adama NDIAYE, M. Mbacké FALL, M. Ibrahima SY, Mme Fatou Faye LECOR. Ce faisant, la Cour suprême viole les dispositions de l’article 9 de la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi N°84-19 du 02 février 1984 fixant l’organisation judiciaire dont les termes sont très clairs : « La Cour suprême, statue en formation collégiale et en nombre impair ».

D’aucuns s’interrogeront sur la raison qui justifie que la Chambre criminelle persiste dans l’erreur. En vérité, la chambre criminelle de la Cour suprême n’a guère d’autre choix que de confirmer l’erreur de nature procédurale commise le 20 décembre 2018 (irrégularité de la composition de la chambre qui a siégé en nombre pair), puisque ce sont les 6 juges devant lesquels l’affaire a été débattue qui doivent ensuite délibérer de celle-ci. Dans un arrêt de la chambre civile et commerciale en date du 05 aout 2015, la Cour suprême a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt n° 1 rendu le 3 janvier 2012 par la cour d’appel de Saint-Louis parce qu’il résultait de l’extrait du plumitif délivré par le greffe de la cour d’appel de Saint-Louis que l’arrêt n° 1 du 3 janvier 2012 a été rendu par une formation différente de celle devant laquelle les faits et moyens ont été débattus (les magistrats dont les noms sont mentionnés sur la minute du jugement comme ayant composé la juridiction, sont ceux qui en délibèrent). Ajouter un conseiller ou retirer un conseiller pour rendre le nombre volontairement impair n’est pas admis. Au demeurant, l’article 49 de la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême dispose que « La minute de l’arrêt est signée par le Président, les conseillers ayant siégé à l’audience et le greffier ». Il est précisé le Président et les Conseillers ayant siégé à l’audience.

Dans l’affaire Khalifa Sall, les obligations fixées par la loi pour la procédure, sont les suivantes :

  1. La Chambre criminelle doit siéger obligatoirement en nombre impair

La Cour suprême a littéralement violé l’article 10 de la loi organique 2017-09 du 17 janvier 2017 qui dispose que « les chambres doivent siéger obligatoirement en nombre impair ». Il n’y a aucune dérogation à l’imparité (impair) pour la Cour suprême. L’imparité est une norme obligatoire, d’ordre public (on ne peut y déroger, sauf disposition légale contraire). L’irrégularité de la composition de la chambre criminelle de la Cour suprême, est établie dès le 20 décembre 2018, au moment des débats et plaidoiries. Cette irrégularité confirmée, suffit à elle seule, pour effectuer 1 requête en rabat d’arrêt. Lorsqu’une juridiction est composée de manière irrégulière, la conséquence d’une telle irrégularité, d’une violation extrêmement grave, c’est la nullité.

  1. La Chambre criminelle doit statuer en nombre impair

L’article 9 de la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi N°84-19 du 02 février 1984 fixant l’organisation judiciaire dispose que « la Cour suprême statue en formation collégiale et en nombre impair ». Or, le rôle mentionne que 6 juges (nombre pair) vont délibérer le 03 janvier 2019. Précisons que le délibéré est secret, en vertu de l’article 47 de la loi organique 2017-09 du 17 janvier 2017 (le délibéré intervient à huis clos, sans la présence du public et des parties).

Observations :

  1. la Chambre criminelle a siégé en nombre pair, le 20 décembre 2018 (nombre impair exigé).
  2. 6 juges vont statuer en nombre pair le 03 janvier 2019 (nombre impair exigé).

Cette double violation de la loi par la Cour suprême est claire, et incontestable. Les magiciens du Droit et les exégètes les plus passionnés ne pourront nier cette évidence. On peut tout interpréter sauf un nombre pair et impair. Quelle justification pourra donner la Cour suprême à cette double violation de la loi, sachant que dans le bulletin des arrêts de la Cour suprême, N°11/12 de mai 2018, qui publie les arrêts rendus au cours de l’année judiciaire 2016 par les 4 chambres, la Chambre criminelle a statué à chaque fois, en nombre impair (5) : Le Président (Abdourahmane Diouf) et 4 Conseillers. Et cela concerne tous les arrêts (20) de la chambre criminelle publiés dans le bulletin des arrêts de la Cour suprême de mai 2018.

Décision viciée du 03 janvier 2019 : 1 Point de vigilance

Dans l’affaire Khalifa Sall, la Cour de Justice de la CEDEAO, dans son arrêt du 29 juin 2018, a incriminé la justice sénégalaise, en précisant que « le juge d’instruction a instruit à charge, en empêchant aux inculpés d’exercer les droits que la loi leur reconnaît, et en clôturant la phase de l’instruction alors que des recours contre ses ordonnances ou les délais pour les exercer courent encore ». Après avoir violé de manière flagrante les formes et règles édictées pour la procédure, personne n’imagine une seule seconde que la Cour suprême puisse donner à sa décision qui sera rendue publique le  03 janvier 2019, les contours d’une condamnation définitive alors que les dispositions de l’article 51 de la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 ne souffrent d’aucune ambiguïté « Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d’aucun recours, à l’exception de la requête en rectification d’erreur matérielle ou pour omission de statuer sur un ou plusieurs moyens et de la requête en rabat d’arrêt ». La décision du 03 janvier 2019, viciée par une erreur de nature procédurale, ne doit pas se limiter à souligner que les « décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d’aucun recours…  faisant abstraction de la requête en rectification matérielle », ce qui reviendrait à expurger l’article 51 de la loi organique sur la Cour suprême de sa substance. Toutes les organisations de défense des droits de l’homme et tous les professionnels du Droit doivent faire preuve de vigilance à ce niveau.

Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

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