« 32 ans après l’assassinat de Sankara, les mêmes démons hantent les palais africains » (Par Thierno Alassane Sall)

Vivant, il était d’idole de la jeunesse africaine. Assassiné, il fut consacré mythe vivant.

Sa vie ressemble à celle des personnages des livres saints, avec une tragédie christique: il avait vu venir la trahison et la mort, il a préféré la subir que d’entrainer son peuple dans un conflit dont il pourrait ne pas se relever.

Sankara fut donc martyrisé en plein jour, avec ses compagnons d’infortune. Il leur avait pourtant dit: « ne vous en mêlez pas, c’est moi qu’ils veulent ».

Ils, c’était Ligani, Zongo, Diembéré et surtout Compaoré. Les deux premiers n’ont pas eu un sort plus glorieux que celui de Judas ou de Brutus. Ils furent abattus comme du gibier par les deux autres comparses désormais addicts au sang.

Salués par toutes les puissances d’Afrique ou d’ailleurs comme un rectificateur ou un refondateur, Compaoré fit du Burkina Faso l’État-major des guerres sales de la sous-région: Le Libéria et ses atrocités innommables, la Sierra Leone et sa litanie de mains coupées et, plus incroyable encore, la puissante et opulente Côte d’Ivoire. Houphouët et les autres avaient semé le vent en conspirant contre Sankara, la tempête balaye l’Afrique de l’Ouest depuis. La Guinée y échappa de peu, disposant d’une armée solide même commandée par l’impotent Lansana Conté mais surtout parce que c’est une Terre de refus. L’illusion d’un Compaoré faiseur de paix tint le temps d’une rose. Le parrain avait introduit les rebelles dans la forteresse qui trouvaient gites et couverts à Ouagadougou, devenue un marché d’otages. Mais il y a un temps pour la tromperie et un temps pour payer l’addition : le Burkina Faso est victime à son tour des guerres que Compaoré exportait dans la sous-région.

Compaoré se terre à Abidjan où il ne compte pas que des amis pour y avoir attisé et entretenu une rébellion. Ses jours sont meublés de prévisions sombres sur un futur insondable, ses nuits hantées des fantômes des Norbert Zongo, des Thomas Sankara.

Sankara lui est entré dans la Légende : comme ces personnages plus grands que nature, il a fait de la Haute Volta, un pays pauvre presqu’inconnu, le Burkina Faso, la Mecque des jeunesses africaines de l’époque. Il a fait de simples bandes de coton le Faso Danfani que le Président Kaboré arbore fièrement au G7. Il a mis en mouvement un peuple qui a pris son destin en main, se construisant son chemin de fer, se creusant des lacs artificiels… Tel Moïse guidant son peuple de forçats pour en faire une Nation biblique.

32 ans presque jour pour jour après la disparition de Sankara le 15 octobre 1987, les mêmes démons hantent les palais africains. A Dakar, un vieil ancien président et son successeur soldent leurs comptes personnels pour mieux asservir un peuple qui n’en peut plus de chômage, de misère et de corruption après deux décennies de prédation de la « famille » libérale. Ils font COSA NOSTRA pour transformer l’or noir du Sénégal en rente pour quelques initiés et malédiction pour le reste.

En Guinée, le Président Condé se pose en Alpha et Oméga d’un peuple qui a tout connu : le tragique avec Sékou « Boiro » Touré, le burlesque mortifère avec Daddis « show » Camara. A Conakry, la litanie sans fin des morts après chaque manifestation se poursuit face à la perspective d’un troisième mandat de Condé. L’Afrique semble un bateau ivre.

Mais tant qu’il y aura des Sankara…

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