Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a quitté Washington ce lundi 15 octobre à la demande du président américain pour aller rendre visite au souverain Salman. Il s’agit d’évoquer la disparition de Jamal Khashoggi. Selon la chaîne américaine de télévision CNN le royaume s’apprêterait à reconnaître la mort du journaliste saoudien.
La chaîne CNN cite deux sources différentes et l’affirme : l’Arabie saoudite va finalement reconnaître que Jamal Khashoggi est bien mort dans les locaux de son consulat à Istanbul, à l’issue d’un interrogatoire qui aurait mal tourné.
Selon la nouvelle version des faits en cours d’élaboration à Riyad et livrée par CNN, les auteurs du meurtre seraient des hommes de main dépêchés en Turquie sans l’autorisation des plus hautes autorités du royaume. En somme, la famille royale reconnaîtrait les faits, mais pas son implication.
Dans la matinée de lundi, avant de monter à bord de son hélicoptère, le président américain a lui-même évoqué cette hypothèse de tueurs crapuleux, et ce, après avoir eu le roi Salman au téléphone. « Le roi a fermement nié être au courant de quoi que ce soit. Il me semble que cela pourrait être des tueurs voyous. Qui sait ? On va tenter d’en savoir plus très vite, mais c’était un ferme démenti ».
La déclaration de Donald Trump a été aussitôt dénoncée par les démocrates. « Cette théorie des tueurs crapuleux est ridicule. Il est absolument extraordinaire de voir le président américain agir en porte-parole du roi saoudien » a fulminé un sénateur sur Twitter.
D’autres ont rappelé que par le passé, à propos de la mort d’un opposant russe, le président américain a préféré véhiculer les démentis de Vladimir Poutine, plutôt que de se fier aux informations des services de renseignement américains.
Court-circuiter MBS
Selon Stéphane Lacroix, professeur et chercheur à Sciences-Po, la visite de Mike Pompeo à Riyad révèle la stratégie des Américains : s’adresser au roi Salman plutôt qu’à son fils Mohammed Ben Salman « MBS », pour essayer de régler sa crise. Car « le roi Salman est représentant de la vieille Arabie, celle qui était dans la diplomatie, le consensus, et dans une manière très différente de faire de la politique étrangère », rappelle ce spécialiste des monarchies du Golfe.
Néanmoins, reste à savoir si cette stratégie va porter ses fruits. D’abord en raison de l’état du roi, âgé de plus 80 ans. « Il n’est pas en capacité de gouverner », explique le chercheur. Et si son état de santé n’est pas clair, il est en tout cas « déconnecté de ce qu’il se passe dans le pays ou dans la région ». Ce qui en fait un interlocuteur qui, certes, a « une autorité symbolique » mais « pas de prise sur les évènements ».
Un autre facteur pourrait également compliquer la visite du secrétaire d’Etat américain. L’accès au roi Salman est « verrouillé » par son fils, qui est, « parmi ses nombreuses fonctions », le chef du palais royal, le diwan. « Il contrôle les entrées et les sorties », résume Stéphane Lacroix. « On voit ce que les Américains essaient de faire en s’adressant à Salman, mais on en voit aussi les limites. »