Le doute profite à l’accusé : c’est la ligne de défense affichée par Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale. L’ancien président ivoirien est poursuivi pour crimes contre l’humanité, aux côtés de Charles Blé Goudé, l’ancien responsable des Jeunes patriotes. Tous les deux réclament un non-lieu, faute de preuve. La première audience s’est ouverte ce lundi matin avec 45 minutes de retard sur l’horaire prévu, officiellement pour des raisons de circulation. La parole est pour l’instant à l’accusation.
Le substitut du procureur, Eric McDonald, répond depuis la fin de matinée à la défense. Il revient sur chacun des éléments précis soulevés par les avocats de Laurent Gbagbo dans le mémoire qu’ils ont remis en fin de semaine dernière. On est donc entré dans le vif du sujet.
Avant cela, le procureur général James Stewart avait estimé que la chambre de première instance n’avait pas à se poser la question pour l’heure de l’insuffisance ou non de preuves. Cela ne pourra intervenir, selon lui, qu’à la fin du procès. Autrement dit, pour l’accusation, le procès doit aller à son terme et les accusés doivent présenter leur défense. Il ne faut pas faire droit aux requêtes d’abandon de charges, a donc estimé le procureur James Stewart. Un argumentaire qui n’a visiblement pas totalement convaincu le juge président.
Dans son complet bleu, Laurent Gbagbo lui est resté impassible. L’ancien président qui a fait un petit sourire à son arrivée tout en saluant discrètement ses partisans. Ses soutiens s’étaient rassemblés très tôt ce matin devant la prison de Scheveningen, là où il est détenu. Ils étaient quelques centaines à avoir fait le déplacement en bus depuis Paris. Des militants très motivés qui dansaient et scandaient « Il n’a rien fait ». Des militants convaincus que la libération de leur champion est imminente et que cette semaine ici à La Haye sera décisive.
■ Un procès suivi en Côte d’Ivoire
A Abidjan, au siège de l’ESD, plateforme de l’opposition où les débats à la CPI sont retransmis à la télévision, ce n’est pas la foule des grands jours. A Anono, on retrouve une cinquantaine de personnes, sympathisants, partisans et militants politiques du FPI, mais aussi des partis cousins de l’opposition. Dans la salle de projection du procès, il y a également des ex-cadres de l’administration comme l’ancien gouverneur de la BCEAO, Philippe-Henry Dacoury-Tabley ou Pierre Amondji, ex-gouverneur du district d’Abidjan. Tous n’ont qu’un seul mot à la bouche : « Gbagbo va être libéré ».
Quand, dans quel délai ? On ne se sait pas et c’est un peu la méthode Coué. Pour eux, il n’y a pas l’ombre d’un doute, c’est une certitude, l’ex-président ivoirien va être innocenté des crimes contre l’humanité dont on l’accuse. « Il va être libéré, affirme un militant, parce que le dossier est vide, parce que les accusations sont fausses ». « Il va être libéré », répète une responsable d’une association de femmes, parce que comme pour le procès de Simone Gbagbo les témoignages n’ont rien prouvé dans l’implication supposée de Gbagbo Laurent à propos du mitraillage de la RTI ou dans le bombardement du marché d’Abobo. Or, l’ex-première dame de Côte d’Ivoire a été acquittée pour ces mêmes charges en assises à Abidjan, il y a bientôt deux ans. Il ne peut donc pas en être autrement pour son époux retenue à La Haye affirment les militants pro-Gbagbo. Des militants qui à Anono, mais aussi à Yopougon, où les jeunes FPI organisent des visionnages de ce débat contradictoire, attendent avec une confiance affichée l’issue des débats.
RFI