A un mois et demi des élections en RDC, une ONG britannique tire la sonnette d’alarme sur la multiplication des cas de torture dans des centres de détention à Kinshasa. Freedom From Torture est une ONG spécialisée dans l’accompagnement des victimes de torture. Dossiers médicaux à l’appui, elle a recensé entre 2013 et 2018 plus de 74 cas de torture, dont 49 femmes et cinq mineurs, parmi les activistes et les militants de l’opposition de RDC qui ont fui en Grande-Bretagne.
Son rapport de 99 pages, « Un instrument pour réduire au silence », détaille ces pratiques, passages à tabac, chocs électriques, brûlures, asphyxies, viols. Sonya Sceats est l’une des responsables de cette ONG. Elle appelle tous les observateurs à une vigilance accrue sur cette question.
« La raison pour laquelle on a fait ce rapport sur la RDC, c’est qu’on a un nombre anormalement élevé de clients qui viennent de ce pays, quasiment toutes ces victimes ont le statut de demandeurs d’asile ou de réfugiés. Vu le nombre et vu les élections qui approchent, nous nous sommes sentis dans l’obligation de rendre publiques les informations que nous avons sur ces terribles pratiques de torture. Pour ceux qui ne suivent pas beaucoup la situation en RDC, il y a l’idée que les victimes de torture sont des personnes prises pour cibles par les milices dans les zones de conflit. Mais les preuves que nous avons pu collecter indiquent une tout autre histoire, celle de militants et militantes des droits de l’homme, des droits des femmes et de militants politiques qui sont visés par ces pratiques de torture à cause de leurs activités politiques à Kinshasa ou dans ses environs. Ceux qui ont été identifiés comme ayant commis ces crimes viennent de différents services, l’armée, la police, les services de renseignement. La variété d’acteurs suggère que ces pratiques de torture sont courantes chez les forces de sécurité. »
Et Sonya Sceats se dit horrifiée par le nombre très élevé de femmes victimes de torture : « Il semble vraiment qu’il y a une pression particulière sur les droits des femmes et que les femmes qui militent politiquement dans l’opposition ou qui sont dans l’entourage d’hommes qui militent. C’est assez frappant qu’il y ait autant de femmes parmi les cas que nous traitons, et que tant d’entre elles se sont trouvées ciblées à cause de leur engagement. Cela tranche avec l’idée que l’on a à l’étranger de qui sont les rescapées de la torture en RDC, l’idée que ce sont simplement des quidams, pris dans la violence des zones de conflit, dans leur village, etc… L’image de la femme rescapée de la torture qui émerge de notre étude est très différente. C’est une femme autonome, ciblée par les tortionnaires précisément parce qu’elle fait entendre sa voix pour réclamer un changement dans son pays. »