Pourquoi la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) organise t-elle des élections de gouverneurs dans 11 provinces de la RD Congo, alors que les congolais attendent d’elle qu’elle se penche avant tout sur la présidentielle ? Parce qu’il y a un « vide juridique » dans certaines provinces, répond le gouvernement.
Alors que l’opposition congolaise réclame la tenue des élections d’ici à la fin de l’année, comme l’indiquait l’accord de la Saint – Sylvestre, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a, à la demande du gouvernement, soudainement publié le 18 juillet un communiqué annonçant la convocation du corps électoral pour les élections des gouverneurs dans 11 provinces. Selon le texte dudit communiqué, les élections devraient se tenir le 26 août prochain.
Pour Lambert Mende Omalanga, ministre de la Communication et Médias, la demande du gouvernement n’est pas une injonction : «Le gouvernement est l’institution qui a la tutelle des provinces. Le ministre de l’Intérieur est attitré pour informer à la Ceni quand il y a vide juridique [concernant le statut de certains gouverneurs] et la Ceni est chargée de pourvoir à l’élection. » Mais dans l’opinion publique congolaise, la demande du gouvernement ne passe pas, tant la Ceni, censée être indépendante, était plutôt attendue sur la présidentielle.
Seulement les 11 de 26 provinces concernées
Une incompréhension d’autant plus forte que l’élection des gouverneurs n’était pas prévue. Et cette incompréhension ne concerne pas que la société civile : plusieurs gouverneurs s’étonnent de voir que seulement 11 provinces sur les 26 sont ciblées par la Ceni. Selon le communiqué de la plateforme électorale, l’élection des gouverneurs concerne en effet les provinces du Bas-Uele, Équateur, Haut-Katanga, Haut-Lomami, Kasaï Central, Kwilu, Mongala, Sud-Kivu, Sud-Ubangi, Tshopo et Tshuapa.
Pourtant, seule la province de Sud Ubangi est concernée réellement par un vide à sa tête : son gouverneur, José Makila Sumanda, a été nommé vice-Premier ministre des Transports et des Communications dans l’actuel gouvernement.
Interpellé par Jeune Afrique sur la raison qui a présidé aux choix des provinces concernées, Lambert Mende renvoie la balle à son collègue de l’Intérieur : « C’est le ministre de l’Intérieur qui est chargé de transmettre la liste des provinces à la Ceni, c’est donc lui qui peut mieux justifier le choix porté sur ces 11 provinces. » Le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, Emmanuel Ramazani Shadary, est resté quant-à lui demeuré injoignable.
Du côté de la Commission électorale nationale indépendante, on assure que tout est pourtant clair. L’article 160 de la loi électorale est précis à ce sujet, selon Jean-Pierre Kalamba, porte-parole de la plateforme électorale : « Dès l’instant où la Ceni est notifiée par un document officiel du ministère de l’Intérieur des vacances dans les différentes provinces, elle n’a pas compétence d’interpréter ni de vérifier le document, mais plutôt d’organiser le scrutin dans un délai de 30 jours. »
La grogne des gouverneurs
Depuis le début de l’année, quelques gouverneurs des provinces ont été la cible de motions des censures par des députés provinciaux. Ils ont ensuite été réhabilités par la Cour constitutionnelle. Le fait de retrouver ces provinces sur la liste des provinces concernées par le scrutin programmé le 26 août peut donc poser un problème quant-à la légalité de la procédure. Ce que l’entourage de plusieurs gouverneurs ne se privent pas de faire.
C’est notamment le cas de l’actuel gouverneur du Haut Katanga, Jean-Claude Kazembe. Il avait été déchu de son poste de gouverneur en avril dernier, suite à une motion de censure introduite par un député provincial. Après un recours, il a été réhabilité au mois de mai par la Cour constitutionnelle. Selon lui, la loi congolaise devra examiner si, réellement, il y a une réelle « opportunité à organiser les élections dans les provinces où les gouverneurs n’ont pas été déchu, ou ont été réhabilités. »
Même cas de figure pour le gouverneur Cyprien Lomboto de la province du Tshuapa. Il lui était reproché l’incompétence, la mauvaise gestion des fonds publics, le manque de collaboration avec son adjointe et avec le bureau de l’Assemblée provinciale. Destitué le vendredi 28 octobre 2016, il avait été réhabilité un mois après par la Cour constitutionnelle.
Ce débat intervient alors que le président Joseph Kabila – dont le dernier mandat devait se terminer en décembre 2016 -, explique ne pas avoir pu organiser les élections dans le temps requis par la Constitution. Après plusieurs mois de tractations avec le Rassemblement, la principale plateforme de l’opposition, un accord a finalement été trouvé le 31 décembre 2016 pour que la présidentielle soit organisée d’ici à la fin de l’année 2017. Un calendrier qui risque encore de glisser, à en croire les dernières déclarations des responsables de la Ceni.