Depuis que la Mauritanie a mis en application sa loi de 2012 sur la pêche, la forte communauté des pêcheurs de Guet Ndar présente dans le pays se voit privée d’activités. Face aux nombreuses difficultés auxquelles les Sénégalais sont confrontés, liées à la confiscation de leur outil de travail, l’Etat a déployé des moyens humains et financiers pour le retour volontaire. Mais le dossier est un peu plus complexe qu’on ne le pense.
“Iln’y a pas de problème entre le Sénégal et la Mauritanie. Nous sommes unis par des liens très forts. Nous respectons la loi mauritanienne que nous ne contestons pas”, a précisé d’emblée le ministre Oumar Guèye. Il était venu délivrer le message du président de la République Macky Sall à une forte communauté de responsables pêcheurs au sujet de la situation qu’ils vivent en Mauritanie. La Mauritanie a voté un nouveau code sur la pêche pour protéger son environnement marin. Ce document contient des lois qui interdisent à tout étranger d’embarquer en mer. L’Etat islamique oblige tous ceux qui se livrent à cette activité à débarquer sa capture sur son territoire. Ce que les pêcheurs sénégalais ont refusé, demandant même aux autorités de leurs pays de ne pas signer d’accord allant dans ce sens. Du coup, ils ne peuvent plus pêcher dans les eaux mauritaniennes, sous peine d’être dans l’illégalité, comme le précise le ministre sénégalais de la pêche, Oumar Guèye.
De ce fait, toutes les pirogues retrouvées en mer ont été arraisonnées. Ainsi, pour pouvoir rentrer chez eux, les propriétaires de ces pirogues doivent rendre les contrats d’affrètement et les licences en contrepartie de laissez-passer, avait soutenu le ministre mauritanien des pêches et de l’économie maritime, Nany Ould Chrougha. La difficulté, c’est que les pirogues immatriculées en Mauritanie, en grand nombre, ne peuvent quitter les eaux mauritaniennes pour la simple raison qu’elles sont entrées illégalement en Mauritanie. Mieux, elles ont été mises à la disposition des mareyeurs ou opérateurs mauritaniens qui les ont immatriculées en Mauritanie sous leurs propres noms. Ces pirogues sont donc devenues juridiquement mauritaniennes. Le dossier est par conséquent complexe et sensible. Pour trouver une solution à l’amiable, les deux parties, liées par des contrats privés, doivent nécessairement se concerter. C’est sur cet aspect que les pêcheurs ont mis l’accent pour demander des facilités afin de pouvoir rentrer tranquillement au Sénégal.
4308 pirogues arraisonnées dans les eaux mauritaniennes
Bien qu’épineux, le dossier pourrait trouver une solution, compte tenu des rapports entre les deux parties. Cependant, le ministre Oumar Guèye a précisé qu’il n’est pas parti en Mauritanie pour trouver des licences. “Je ne suis pas là pour négocier des accords mais plutôt pour demander des facilités pour votre retour. Il n’y a pas de possibilités pour rester, donc il faut rentrer en paix”, déclare-t-il. Mais les pêcheurs ont souligné les dommages collatéraux que causerait cette situation avec des familles et des enfants en scolarisation. Malgré tout, les pêcheurs ont assumé leur responsabilité dans cette situation. “Nous sommes là par ignorance”, se défend Alioune Ndiaye, mareyeur à Nouadhibou, non sans solliciter l’aide des autorités sénégalaises pour un retour organisé au bercail. Tous se sont accordés à dire que ce retour envisagé des pêcheurs est un “épineux problème”. Car les 4 308 pirogues en souffrance dans les eaux mauritaniennes doivent pouvoir rejoindre le Sénégal dans des conditions non encore élucidées. Car relevant du domaine privé entre les deux partenaires qui sont liés par des contrats tout à fait privés. Le consul honoraire du Sénégal à Nouadhibou, Moulay Abbas Boughourbal, a souligné la possibilité de voir des notaires pour faire des actes notariés avec l’accord des deux parties. Il a déploré cependant la situation à laquelle nos compatriotes sont confrontés mais demande de la retenue. Il a en outre souligné l’assentiment de certains mareyeurs et opérateurs mauritaniens qui ont déjà investis beaucoup d’argent dans le secteur. Et qui ne peuvent, en l’absence des pêcheurs sénégalais, satisfaire leurs bailleurs européens.
Un épineux problème
Mais la loi mauritanienne n’autorisant aucun étranger à descendre en mer, la seule solution, c’est le retour au bercail. Cette loi prévoit, en cas d’infraction, la saisie de matériel : pirogue, moteur ou bateau. Ce matériel sera mis en vente aux enchères au profit du trésor public mauritanien. Le ministre Oumar Guèye a également déploré les conditions dans lesquelles ces pirogues sont entrées en Mauritanie et leur situation actuelle. Toutefois, les deux Etats vont prendre des dispositions communes pour aider les pêcheurs sénégalais à rentrer tranquillement chez eux, a rassuré le ministre Oumar Guèye. En attendant, il demande aux uns et aux autres de “garder le calme”, car “il n’y a pas de problème particulier”, dit-il. “Nous lançons un appel à ceux qui s’agitent de savoir raison garder et laisser les autorités des deux pays régler la situation et s’abstenir de faire des déclarations sur des choses qu’ils ne maîtrisent pas”, renchérit-il.
75 millions d’aide au retour volontaire
Pour accompagner le retour des pêcheurs, le Président Macky Sall a offert 75 millions de F Cfa représentant tant l’aide au retour volontaire des pêcheurs pour l’achat de carburant pour ceux qui ont des pirogues et pour le transport des familles par voie terrestre pour certains. Le ministre a précisé qu’il ne s’agit “pas de rapatriement mais de retour volontaire”. Oumar Guèye est revenu amplement sur la loi mauritanienne en insistant sur le respect de celle-ci par nos pêcheurs qui ne doivent plus pêcher dans les eaux territoriales mauritaniennes.
L’ambassadeur du Sénégal, Mamadou Tall, a pour sa part promis que “cet argent sera bien géré de façon démocratique, transparente et sans discrimination aucune”. Il a aussi promis qu’une structure sera mise en place à cet effet pour assurer le suivi. “Nous arrêterons les termes de référence, tout se passera bien avec le concours des uns et des autres” at-il rassuré. Il est à noter que M. Tall s’est investi, avec le président de la fédération des Sénégalais Assane Guèye, pour éviter tout débordement ou tout imbroglio par rapport à cette situation.
Les deux ministres, qui se sont entretenus dans la matinée du 17 février, ont émis, chacun de son côté le souhait de réactiver la commission sous régionale des pêches qui ne fonctionne pas depuis quelques années. Cela permettra de “mutualiser nos efforts, en termes de recherche et de surveillance commune entre nos deux Etats pour éviter aux pêcheurs d’entrer dans des zones économiques exclusives dans lesquelles ils n’ont pas le droit de pêcher” a soutenu M. Guèye. Même position du côté de la Mauritanie. Outre les rapports de fraternité et les différents accords, le ministre Boughourbal a souhaité la redynamisation de la commission sous régionale des pêches pour assurer le contrôle frontalier maritime en collaboration avec le Sénégal voisin. Les deux ministres ont insisté sur le fait que la Mauritanie n’a pas demandé le retour ou le rapatriement des Sénégalais. Ce retour est “volontaire” et aucune pression n’est mise sur qui que ce soit.