A quelques jours de l’élection du 14 janvier en Ouganda, l’organisation Human Rights Watch dénonce l’attitude du gouvernement du président, Yoweri Museveni, qui limiterait les voix de l’opposition en bloquant la campagne pour empêcher un vote libre et équitable.
La répression et les mesures de prévention contre le coronavirus ont limité les occasions pour les candidats à la présidence de faire passer leur message. Pour cela, la police s’est chargée d’occuper le terrain.Le candidat de l’opposition et pop star devenu député, Robert Kyagulanyi Ssentamu, plus connu sous le nom de Bobi Wine, en a fait les frais. Le chanteur a été arrêté à plusieurs reprises.
Bobi Wine affirme même avoir été visé par des tirs de balles en caoutchouc et des jets de gaz lacrymogènes. Il a du porter un gilet pare-balles tout au long de sa campagne.
Affrontement entre la police et les gardes du corps
Ces derniers jours, des images choquantes ont fait également surface sur les réseaux sociaux. Elles montrent la police ougandaise en train de bloquer le convoi du candidat à la présidence, Norbert Mao,alors que celui-ci faisait campagne dans la région nord-est du Karamoja. Les gardes du corps, armés, se battent avec les policiers.
La police ougandaise a déclaré sur Twitter qu’elle regrettait l’incident « entre deux de nos équipes spéciales pendant la campagne du PDD dans le district d’Abim et que les officiers avaient été immédiatement rappelés et remplacés en attendant l’enquête. »
Mais cet incident n’est pas isolé. Toujours sur cette vidéo, on aperçoit un membre de la sécurité d’un autre candidat à la présidence, John Katumba, être, lui aussi, pris à parti par la police.
Otsieno Namwaya, chercheur à Human Rights Watch (HRW), a reconnu à Africanews que si ces types d’images sont difficiles à commenter parce qu’elles n’ont pas été vérifiées, elles « offrent quand même un scénario étrange ».
« Je pense que c’est en partie parce que les autorités ne peuvent plus garantir la sécurité des candidats à l’élection présidentielle et que ceux-ci incluent en partie leur propre sécurité à côté de celle assurée par l’État », a-t-il déclaré.
Arrestations
En décembre, le gouvernement a interdit les rassemblements électoraux car il a déclaré qu’ils pouvaient propager la Covid-19. Mais certains candidats de l’opposition assurent que ces mesures empêchent un vote équitable car les alliés du gouvernement contrôlent de nombreux médias.
Plus de 100 partisans de Bobi Wine ont été arrêtés alors qu’ils faisaient campagne le 31 décembre avant d’être libérés sous caution. En novembre, plus de 50 personnes sont mortes lors des manifestations qui ont suivi une autre arrestation du porte parole de la jeunesse ougandaise.
Wine, 38 ans, est l’un des dix candidats qui cherchent à renverser le président Yoweri Museveni en course, à 76 ans, pour prolonger son règne qui dure déjà depuis 34 ans.
Lors de son interview, Otsieno Namwaya note d’autres tendances inquiétantes à quelques jours des élections. Le chercheur de l’ONG pense que les candidats à la présidence et d’autres politiciens de l’opposition sont privés de se réunir. Pour cela, les autorités ougandaises feraient pression sur les hôteliers pour qu’ils refusent d’accueillir les candidats de l’opposition à des « heures très critiques« . Toujours selon HRW, les autorités surveilleraient les téléphones et les réseaux sociaux des opposants à la présidentielle.
Otsieno Namwaya assure également que la police a attaqué et même tiré sur des journalistes qui couvraient les rassemblements de la campagne d’opposition. « Il y a de sérieuses menaces pour la sécurité des candidats de l’opposition, de leurs partisans et des journalistes qui tentent de couvrir les événements », a-t-il déclaré.
Des élections libres et équitables ?
Alors que les intimidations à l’opposition ont marqué les campagnes présidentielles précédentes, les analystes affirment que la répression des forces de sécurité est encore plus brutale lors de cette élection.
Kizza Besigye, qui s’était présenté aux quatre élections précédentes, a été harcelé de la même manière que Wine. Mais Otsieno Namway pense que le jeune candidat subit un traitement particulier car il n’est même pas autorisé à faire campagne et à rencontrer ses partisans.
« Une élection libre et équitable ne peut être garantie que lorsque certaines normes sont respectées », assure le chercheur. « Et il est probable que la crédibilité des élections ougandaises soit sérieusement affectée », conclut-il.