Un an après l’affaire Weinstein et la campagne #metoo aux Etats-Unis, le mouvement de révolte contre le harcèlement sexuel semble enfin atteindre l’Inde. Et comme en Amérique, c’est dans le milieu du cinéma que les révélations ont été les plus fracassantes. Celles-ci ont encouragé d’autres victimes à parler, venant d’autres milieux. Ces histoires ont avant tout été révélées sur les médias sociaux.
De notre correspondant à New Delhi,
La première révélation a eu lieu il y a deux semaines. Une comédienne indienne qui vit aujourd’hui aux Etats-Unis, a accusé l’une des icônes du cinéma de l’avoir harcelée pendant un tournage. C’était en 2008. Et cette accusation a brisé l’omerta contre cet homme, Nana Patakar, qui semble être le Harvey Weinstein indien.
Une productrice décrit en effet sur Facebook son calvaire: cet acteur était alcoolique et violent et harcelait régulièrement les actrices, tout le monde le savait. Mais comme il était la star de la série télévisée la plus populaire du moment, personne ne disait mot. Quand cette productrice a tenté de se révolter, elle aurait été renvoyée puis violée par Nana Patekar. C’était il y a 19 ans. Et elle a attendu jusqu’à aujourd’hui pour pouvoir témoigner. Ce moment a été rendu possible, dit elle, grâce à la liberté de parole offerte par les médias sociaux. L’acteur, lui, affirme que ces accusations sont absurdes et que de toutes facons, personne n’écoute les hommes ces derniers temps.
Fin de l’omerta à Bollywood
Les victimes silencieuses des castings dans les chambres d’hôtel ou d’autres «promotion canapé» ont pris Twitter et Facebook d’assaut et ont accusé des stars, parfois très renommées en Inde, d’attouchements, de harcèlement, ou de viol. Ces pratiques sont tellement communes dans cette industrie que chaque actrice semble en avoir été victime. Le mouvement #metoo n’avait pas atteint l’Inde l’année dernière, il enflamme aujourd’hui Bollywood, avec un hashtag précis: #meetooindia. Et de grandes stars ont commencé à montrer leur soutien, voire à refuser des contrats avec les personnes accusées.
Et cela dépasse à présent le cinéma. Ainsi Mobashar Akbar, l’un des grands noms du journalisme indien et ancien rédacteur d’un hebdomadaire, est accusé d’être un prédateur sexuel cruel et pervers. Une ancienne stagiaire raconte par exemple sur une plateforme en ligne les harcèlements qu’elle a subis, les agressions dans son bureau, et le silence de tous les collègues témoins, par peur des répercussions. C’était il y a 21 ans. D’autres femmes confirment la perversité du personnage. Cette affaire prend une dimension politique, car cet ancien journaliste est aujourd’hui secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.
La tempête #metoo souffle sur le monde politique
Le gouvernement a dû réagir à ces accusations du fait de l’implication de ce politicien. La ministre en charge de l’émancipation des femmes vient d’affirmer qu’elle soutenait chaque accusation et allait créer un comité composé d’anciens juges pour renforcer les lois sur le harcèlement au travail. Mais le secrétaire d’Etat accusé, lui, refuse pour l’instant de démissionner.
RFI