Macky, 5 ans au pouvoir (1/11) : 16 814 milliards et des critiques

Il y a 5 ans, jour pour jour, Macky Sall devenait président de la République. Douze ans après la première alternance, les Sénégalais tournaient la page Abdoulaye Wade. Avec l’espoir de connaître une vie meilleure.Pour les satisfaire, de 2012 à 2017, le chef de l’État s’est appuyé sur un budget sans cesse croissant. Qui est passé de 2299 milliards 286 millions de francs CFA, en 2012, à 3360 milliards pour l’exercice en cours. Au total, 16 814 milliards ont été mobilisés.Pour quels résultats ? Seneweb a donné la parole à des économistes.«Côté croissance, nous sommes en retard»(Pr Abdoul Aziz Ndiaye, Université Gaston Berger)data-cke-saved-src=

Maître de conférences, agrégé à l’UFR des sciences économiques et de gestion de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Pr Abdoul Aziz Ndiaye magnifie les efforts consentis en 5 ans pour faire repartir la croissance. Cependant, il met un bémol. «Si on se réfère à l’instrument de politique qu’est le budget, nous pouvons dire que des efforts ont été faits, consent-il. Depuis 2012, le taux de croissance connait une bonne phase, même s’il y a une petite baisse en 2013. L’an dernier, on a eu 6,7%, même s’il faut s’en inquiéter un peu. Car, au vu de la croissance de la zone Uemoa, qui est de 7,2%, on peut dire que le Sénégal est un peu en retard par rapport à un certain nombre de pays.»

Pis, relève l’économiste, la croissance actuelle n’est pas inclusive. «C’est une  croissance qui est portée par le secteur tertiaire, qui emploie une grande partie de la population», argumente-t-il. Autre faiblesse qui n’a pas échappé au Pr Ndiaye : les entreprises qui génèrent la richesse sont, pour la plupart, des filiales de sociétés étrangères qui, donc, rapatrient leurs bénéfices.

Pour inverser la tendance, Abdoul Aziz Ndiaye encourage l’État à faire de l’agriculture le moteur de la croissance. Ce, indique-t-il, afin que la richesse puisse être créée par le plus grand nombre de Sénégalais qui se partageront les richesses ainsi générées. Par ailleurs, l’économiste invite l’État à travailler efficacement dans la recherche de débouchés et amener les Sénégalais à consommer local pour absorber les productions de riz, notamment.

Côté réduction du chômage, Pr Abdoul Aziz Ndiaye trouve que le problème demeure encore épineux. Il développe : «Notre taux de chômage reste toujours élevé avec 13,4%, si on se réfère à la dernière enquête de l’Ansd. Il faut s’en inquiéter, parce que l’État met souvent le focus sur les universités alors que même ceux qui ont bac+2 ont souvent beaucoup de problèmes pour accéder au monde de l’emploi avec 22,4% de taux de chômage chez eux.»

«Un bilan en demi-teinte»

(Dr El Hadj Mounirou Ndiaye, Université de Thiès)

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Pour Dr El Hadj Mounirou Ndiaye, le bilan des 5 ans de Macky Sall est en demi-teinte, «même si le côté non positif l’emporte sur l’action positive du gouvernement». «Il y a beaucoup d’inepties qui ont été constatées depuis 5 ans», regrette-t-il en pointant les arbitrages budgétaires.

Exemples : «Il y a eu l’engagement d’un Train Express à 568 milliards, l’autoroute à péage Ila Touba à 400 milliards, il y a également d’autres actions», égrène le docteur en économie industrielle.

S’il considère ces projets utiles dans l’absolu, Dr Ndiaye estime qu’ils ne sont pas une priorité. Il argumente : «Avec 568 milliards, n’était-ce pas mieux de réhabiliter le secteur ferroviaire en permettant de rallier Ziguinchor facilement avec le problème du bac, relier Tamba, etc. ? Si on avait réhabilité le chemin de fer, qui permettrait de transporter les marchandises lourdes, cela n’empêcherait-il pas les camions d’engorger et de détériorer les routes ? Ce sont ces arbitrages dont il s’agit.»

À propos de l’impact de la somme des budgets exécutés depuis 2017, Mounirou Ndiaye est circonspect : «Certes, il y a des résultats qui puissent faire dire que Macky Sall a fait de belles choses, mais cette masse colossale d’argent utilisée depuis 5 ans a un faible impact sur la croissance économique. Parce que si vous prenez 6,7% de croissance, sur un PIB de 9000 milliards, c’est environ 600 milliards qui s’ajoutent en nominal sur la richesse du pays. Mais de ces 600 milliards, si vous enlevez les 200 milliards de bénéfice de Sonatel, vous enlevez l’argent encaissé par Eiffage, les bénéfices de Oil Libya, des ciments du Sahel, etc., donc la croissance reste dans la poche des multinationales et des investisseurs.»

«On ne sent pas un dynamisme économique»

(Pr Maïssa Babou)

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«Le rôle que doit jouer un budget c’est d’enclencher un développement économique et social. Au regard des 5 dernières années, si on regarde l’espace économique, à la fois le « Yoonu Yokkute » et le PSE, on ne nous parle que d’autosuffisance alimentaire, du Pracas, du Pudc. Au-delà de l’autoroute à péage qui a été améliorée, on n’a pas de grandeur économique significative.»

C’est le constat de l’économiste Maïssa Babou. Qui ajoute : «Sur le plan éducatif et de la santé, on n’a pas d’universités nouvelles. Des lycées nouveaux, il n’y en a pas beaucoup. Il manque terriblement d’établissements au niveau supérieur. Les étudiants sont mêmes dans le virtuel. Côté santé, n’en parlons pas. Parce que quand on ne peut pas avoir une machine de 3 milliards, on ne peut pas réclamer un hôpital de 100 milliards.»

Par ailleurs, Maïssa Babou regrette ce qu’il considère comme des investissements de prestige, Centre de conférence Abdou Diouf, Ila Touba, le Train Express, la Cité de l’émergence… «Ce sont des investissements de prestige qui n’ont pas d’impacts directs sur la vie des Sénégalais, avise-t-il. (…) Au-delà de quelques machines qui ont été achetées, pour booster le secteur, franchement on ne sent pas un dynamisme économique conséquent par rapport à un budget aussi gros.»

Autre regret de l’économiste : «l’absence de subventions sur l’eau et l’électricité», afin de soulager le contribuable sénégalais sur qui  pèse «une fiscalité assez forte».

Dans le même temps, souligne Babou, les nouvelles institutions. «On n’a pas de vision, assène-t-il. On fait du saupoudrage, on fait de la politique, on ne regarde pas ce qui est important. Se soigner, aller à l’école, se nourrir. Ce sont là les problèmes du Sénégalais. Pendant ce temps, il y a 16.814 milliards en l’air. C’est un fourre-tout qui n’est pas bien organisé, bien pensé. Le gaspillage, les espaces politiques qui se créent comme le Hcct, nous bouffent les budgets avec des salaires colossaux, des indemnités incroyables, des politiciens qui s’enrichissent sur le dos d’autres Sénégalais qui sont très pauvres.»

 

Auteur: Youssouf SANÉ – Seneweb.com

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