L’implosion économique du Sénégal: Macky Sall ou l’électorat ? (Par Mouhamed Dia)

Si le président en exercice sait que l’électorat préfère des réalisations électoralistes telles qu’une arène nationale, une autoroute électoraliste, des bourses familiales politiques, des subventions qui tuent notre trésorerie, plutôt que d’un programme économique harmonieux pour nous sortir de la pauvreté, il fera cela pour assurer sa réélection. Nul ne pourra le blâmer car le président fait aussi de la politique.

Malgré quatre présidents et des milliers de milliards plus tard, le Sénégal fait toujours partie des pays les plus pauvres du monde. Tous les secteurs souffrent et tous les présidents ne font que donner les premiers soins depuis l’indépendance et aucun président n’a eu un modèle économique adéquat aux problèmes socio-économiques du Sénégal pour nous sortir de la pauvreté. Nous avons toujours pointé les présidents du doigt sans vraiment nous remettre en question. Et si nous, revendicateurs de bilan, sommes la principale cause de notre sous-développement ? Combien d’entre nous sont en train de pointer du doigt les réalisations électoralistes du président en exercice comme si cela était largement suffisant pour nous et pour le réélire ?

Avec une population estimée à 16.446.453 à la date du 10 Novembre 2018 par les Nations unies, la population du Sénégal est une population très jeune avec 61,84% de la population ayant entre 0 et 24 ans. La première élection de 1963 fut remportée par le président Senghor avec 100% des voix vu qu’il était le seul candidat. Il faut noter qu’il fallait obtenir 10 voix parlementaires pour être candidat à l’élection présidentielle or aucune voix n’a été obtenu par l’opposition. La seconde et la troisième élection de 1968 et 1973 furent aussi remportées par le président Senghor avec 100% des suffrages. La quatrième élection de 1978 fut remportée par le président Senghor avec 82,02% des suffrages contre 17,38% des suffrages pour le président Wade. En 1981, quand le président Diouf devint chef d’Etat, la loi contre l’enrichissement illicite fut abrogée et la délation très encouragée. En 1983, avec l’abolition du quadripartisme, nous assistons à l’apparition de nouveaux mouvements. Cependant ces mouvements souffraient « d’un trop-plein démocratique » comme l’avait dit Pierre Barnes (Le Monde, 25 février 1983). Conséquemment le président Diouf remporta ces élections avec 83,45% des suffrages. En 1988, le président Diouf remporta ces élections avec 73,20% des suffrages. Il en fut de même en 1993 avec 58,40% des suffrages en faveur du président Diouf. Durant les élections de 2000, le président Diouf reçut 41,33% des suffrages contre 30,97% des suffrages pour le président Wade, ce qui força un second tour ; cela fut une première dans le pays depuis cinquante ans. Le 19 mars 2000 restera à jamais un jour historique pour le Sénégal. Le président Wade reçut 58,49% des suffrages contre 41,51% pour le président Diouf. En 2007 le président Wade obtint 55,90% des suffrages contre 14,92% pour Idrissa Seck. En 2012 le président Wade obtint 34,81% contre 26,58% pour le président Macky Sall, ce qui força un second tour que le président Macky Sall gagna avec 65% des suffrages.

Le changement au Sénégal, une arlésienne

Cheikh Ahmed Bamba Diagne dit dans son livre intitulé Comment votent les Sénégalais ? que « les Sénégalais ne choisissent pas un candidat mais démettent un président… le vote sénégalais n’est pas sincère mais il est stratégique ». Jacques Chirac disait que « le droit de vote, ce n’est pas l’expression d’une humeur, c’est une décision à l’égard de son pays, à l’égard de ses enfants ». Il faut juger le président par ce qu’il a fait sur tous les plans et si vous pensez que cela vous convient, votez pour lui et si ce n’est pas le cas, ne votez pas pour lui. En choisissant votre candidat aussi, jugez ce qu’il a fait quand il était dans le gouvernement vu que la plupart des potentiels candidats ont été dans le gouvernement à un moment ou à un autre. Il y a certaines promesses qui ne seront pas en mesure d’être tenues donc il est préférable de ne pas les utiliser comme critères de choix. Il faut plutôt chercher un candidat qui vous dira la vérité ; cette vérité est que pour que le Sénégal se développe il faudra serrer la ceinture en arrêtant les subventions et changer nos manières de faire et de vivre, formaliser le secteur informel entre autres pour balancer notre budget. Aucune nation ne s’est développée sans s’industrialiser, donc il faudra penser à transformer nos matières premières et de les exporter en produits finis. Si en choisissant votre candidat vous vous fiez aux promesses de campagne, de grâce il faudra assumer cela en connaissance de cause. Aucun candidat ne peut changer ce pays sans prendre des mesures qui vont contre l’électorat et qui n’arrangeront pas beaucoup de personnes. Chacun vous dira ce qu’il a fait ou ce qu’il fera et cela n’est pas le mal dont souffre le Sénégal. Il faudra un candidat qui puisse dire que la fondation n’est pas bonne et de reconstruire avec une bonne fondation. Est-ce qu’un tel candidat sera élu ?

Comme le disait John Petit Senn : « les hommes politiques se font principes pour arriver au pouvoir, et se retrouvent des hommes dès qu’ils y sont parvenus ». De nos jours, l’épithète de politicien a une connotation tellement négative que bons nombres de compétents et d’intègres citoyens s’en abstiennent. L’individualité et la rationalité doivent être les critères les plus importants dans le choix du candidat. Nous notons cependant au Sénégal que le vote atteste du caractère ethnolinguistique et religieux, avec la consigne de son guide spirituel qui quand même a tendance à disparaitre. Au lieu de présenter un programme clair et objectif, nous assistons souvent au clientélisme électoral. Cela rend le scrutin peu compétitif car le candidat sortant est souvent favori car pouvant utiliser les moyens de l’Etat. Ce clientélisme électoral fait de l’alternance une Arlésienne en Afrique. Pascal Lissouba ne disait-il pas « qu’on n’organise pas des élections pour les perdre » ?

Le réveil de l’électorat

Il est temps que le peuple sénégalais choisisse son candidat de manière objective. Selon le fonds monétaire International, le Sénégal fait partie des pays les plus pauvres au monde. La pauvreté est directement liée à la santé, l’éducation, l’accès au logement parmi d’autres facteurs. La dette est aussi un grand frein au développement ; les dettes contractées auprès des pays développés sont souvent très mal gérées à cause de la corruption. Quand les capacités d’emprunt sont largement dépassées, ces états font face à des difficultés de paiements. Ce phénomène est à l’origine des troubles économiques et socio-politiques ; cela crée une dépendance vis-à-vis de ces puissances mondiales. Cela donne une grande influence à ces derniers de négocier des contrats avec nous, pays moins avancés. Que tous ceux qui voteront sachent que nous ne sommes pas prêts pour prendre notre destin en main au cas où votre candidat veuille vous le faire croire. Nous en sommes capables mais nous n’avons pas encore emprunté cette voie. Le partage de renseignements entre pays est devenu nécessaire avec la menace terroriste entre autres problèmes, et ces pays développés sont plus en avance sur nous pour plus nous bénéficier que le contraire. La DGSE a eu à intervenir dans plusieurs pays d’Afrique pour « libérer le peuple ». Cela étant une menace réelle pour couper les ponts qui nous lie avec ces pays développés et notamment notre colonisateur la France.

Quand nous nous développerons et aurons la logistique nécessaire, nous pourrons demander que tous les échanges bilatéraux soient équitables. Pensez-vous qu’un pays qui ait un déficit budgétaire puisse financer ses projets de développement ? Je suis pour une souveraineté totale de notre nation mais nous ne sommes pas sur cette voie et il faudra mettre un programme sérieux à long terme pour y arriver. Certains diront que la France a aussi besoin de nous ; certes, mais elle au moins arrive à tirer profit de ces échanges bilatéraux. Le sous-sol Africain est le plus riche au monde et pourtant l’Afrique est le continent le moins avancé. Nous ne pouvons pas blâmer le colonialisme ou la traite négrière en 2018. D’autres nations ont été colonisées et sont devenues des puissances économiques telles que l’Inde et le Brésil. Le Brésil est la 8e puissance économique mondiale pendant que son colonisateur le Portugal est la 47e puissance (FMI 2017). L’Europe a eu à se reconstruire après les deux guerres mondiales, d’autres pays se sont reconstruits après le colonialisme et les troubles politiques. Nous ne transformons pas nos matières premières mais les exportons pour ensuite les racheter en produits finis à des prix beaucoup plus élevés que si nous les avions transformés. Votre candidat doit vous garantir la limitation de la composition des gouvernements et leurs dépenses maintenues au strict minimum. Cette promesse ne doit pas être prise en considération si votre candidat était part d’un gouvernement élargi. Cela démontre un manque de principe. Mais en aucun cas cela ne doit être un élément disqualifiant.

Nous pays pauvres sommes dans un cercle vicieux d’emprunt et d’effacement de dettes. En 2005 la dette des pays les plus pauvres était effacée, le Sénégal faisait partie de ces pays. Ces pays dits riches ont remboursé notre dette à la banque mondiale, au FMI et à la banque africaine développement. Le but était de nous donner un second souffle et d’allouer le montant destiné à repayer la dette à la santé, l’éducation et à la réduction de la pauvreté. En cette historique occasion, le président de la banque mondiale disait : « en Afrique et dans le monde, les dirigeants de trente-huit pays n’auront plus à choisir entre dépenser pour leurs citoyens et rembourser des dettes impossibles, souvent héritées de gouvernements précédents ». Nous faisons partie des pays les plus pauvres donc si votre candidat fait des promesses de campagne tout en faisant allusion à nos ressources naturelles, il faudra faire très attention à la faisabilité. « Selon le classement des Nations unies, le Nigeria et l’Angola, les deux principaux producteurs africains se trouvent actuellement au rang des nations les plus pauvres, plus précisément les plus appauvris (www.globenet.org). Le pétrole enrichit les gouvernements et ceci indépendamment de la part qui leur revient. Le hic est qu’hormis le Gabon, les pays producteurs de pétrole se valent aux pays non producteurs de pétrole sur les dépenses allouées à l’éducation et la santé. Il faut impérativement que votre candidat élabore un plan clair, précis et surtout faisable.

L’une des promesses les plus célèbres est la diminution des denrées de première nécessité. Economiquement parlant, c’est faisable, mais ce ne sera qu’à court terme car pouvant avoir de sérieuses conséquences. Notre croissance économique a toujours été très modeste. Le Plan Sénégal Emergent a certes eu des effets positifs sur l’économie mais il ne décollera jamais tant que nous ne réduisons pas notre niveau d’endettement et n’injectons pas de liquidité dans notre économie. Bien au contraire, il faut une augmentation des prix de denrées de première nécessité et l’arrêt immédiat de la subvention des matières premières dont la valeur chute dans le marché. Quel candidat osera tenir ces propos ? Cela à coup sur mécontentera son électorat mais c’est ce dont notre économie a besoin pour se développer. Nelson Mandela disait : « parfois il incombe à une génération de faire preuve de grandeur. Vous pouvez être cette grande génération ». Nous pouvons décider du développement de notre pays en tenant un langage de vérité. Tant que les candidats ne disent pas à leur électorat que pour que le Sénégal se développe, il faudra prendre des décisions draconiennes et les appliquer, nous ne vivrons pas pour voir ces lendemains meilleurs. Quand nous serons prêts pour emprunter cette voie, nous pourrons nous asseoir et en discuter d’une manière sincère et objective. Dans ce sens, Braud disait que : « d’autres électeurs, politisés ou non, verront dans le geste électoral le moyen de libérer une agressivité nourrie de frustrations accumulées, d’origine sociale, professionnelle ou même privée. Ils s’en prendront à des boucs émissaires en mettant un vote de rejets sortants, voire de la classe politique elle-même ou bien, ils soutiendront le parti ou le leader diabolisé par les médias et les autres formations politiques »

En conclusion nous dirons à ceux qui votent de mettre la pression sur les potentiels candidats pour qu’ils ne répètent pas le même refrain de promesse de campagne. Visitez leur site, lisez leur programme et envoyez-les des questions sur la manière dont ils espèrent dérouler leur programme. De grâce évitons les votes sanctions. Il faut que nous apprenions à voter pour le candidat qui nous inspire confiance et dont nous comprenons son programme et sa faisabilité. Si nous ne voulons pas que notre pays change et se développe, fermons les yeux et continuons à faire comme si le prochain président allait tout régler. Aucun candidat ni président ne peut tout régler tant que nous ne nous déciderions pas à nous sacrifier pour les générations futures. Cela sera extrêmement dur mais portera ses fruits et nous léguerons un pays émergent aux générations futures. Comme le dit la citation algérienne : « Voter pour son pays et ne jamais voter pour des personnes, la patrie reste, les hommes s’en vont ».

Mohamed Dia, Consultant Bancaire

Email : mohamedbaboyedia@gmail.com

 Sunugal 24.net

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