85 millions d’emplois pourraient être délocalisés de Chine ces prochaines années. C’est le chiffre brandi par les autorités éthiopiennes qui veulent en capter une partie. Elles ont annoncé l’été dernier une libéralisation économique, mais les objectifs restent les mêmes que ceux fixés depuis le premier grand plan quinquennal en 2010. Et notamment, l’industrialisation du géant de la Corne de l’Afrique, dans le but de trouver un emploi aux plus de 2 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Malgré une politique volontariste, l’industrie ne représente encore que 17 % du PIB.
Aster et Hayelom possèdent un atelier de fabrication textile à Addis-Abeba. Une quarantaine d’employés travaillent ce jour-là. En tout, ils sont 55 permanents et 35 temporaires. Ils y fabriquent des vêtements simples, notamment des uniformes pour la municipalité de la capitale ou pour une université de la région Oromiyaa.
Hayelom, le mari, a passé dix ans à travailler dans le textile au Yémen. Il s’est servi de son pécule et de son expérience pour réinvestir en Éthiopie. « Quand on débute, tout est difficile. Il y a tellement de choses. Il faut être fort » explique Hayelom.
Des difficultés de financement pour les entrepreneurs
Dans ce quartier, il y a 172 petites et moyennes entreprises industrielles. Celle d’Aster et Hayelom fait figure de bonne élève. Mais beaucoup d’autres n’ont pas la chance d’être soutenues par la BEI, la Banque européenne d’investissement, explique Samuel Birkene, de la municipalité d’Addis-Abeba : « Il y a eu la pénurie de produits bruts d’importation. Et puis certaines entreprises ont du mal à faire le lien avec les marchés. Et elles n’ont pas forcément de stratégie de performance financière. Notre but en tant qu’agents de la mairie est de répondre à ces demandes. »
Selon une étude de la BEI, 70 % des petites et 40 % des moyennes entreprises disent avoir du mal à accéder au crédit auprès des banques éthiopiennes.
Former, une des priorités
Aster et Hayelom espèrent pouvoir à terme acheter des machines pour travailler sur l’ensemble du cycle de production textile et pour exporter. C’est la clef pour grossir, en Éthiopie, et accéder notamment aux parcs industriels. Six machines fonctionnent et d’autres devraient bientôt démarrer. Les entreprises y sont internationales : chinoises, indiennes, turques, européennes, américaines. Elles bénéficient d’exonérations fiscales et des bas salaires éthiopiens. Mais ce n’est pas l’essentiel selon Samuel Kiros, consultant spécialisé dans le domaine : « La formation est une priorité parce que vous pouvez avoir une usine textile avec 2 000 employés, si vous n’avez pas des opérateurs formés, et que vous devez les former sur le tas, c’est une perte. Donc ils doivent être formés avant le début du projet. »
L’autre défi, c’est le manque de coton. Conséquence : les entreprises ne produisent pas réellement en Éthiopie. Elles assemblent des pièces de tissu importé avant de les réexporter. Mais le gouvernement garde son volontarisme. Admasu Nebede, le secrétaire d’État au Développement économique conclut :
« L’Éthiopie n’est pas coincée dans son développement industriel, au contraire, elle accélère. Nous sommes troisièmes en termes de nombre de projets d’investissements en Afrique, et tous se font dans le développement industriel. »
RFI