Ce film nous fait faire un bond dans le temps, dans la Chine de Mao Zedong, à la fin des années 1950. Dans Les âmes mortes, le cinéaste Wang Bing nous fait vivre la vie quotidienne dans un camp de rééducation, racontée par ceux qui y ont survécu. Une œuvre magistrale de plus de huit heures, que certains comparent déjà au Shoah de Claude Lanzmann.
Depuis 15 ans, Wang Bing documente inlassablement son pays : travailleurs migrants, paysans, petites mains des ateliers de couture clandestins… En 2002, son premier film, A l’ouest des rails, lui a valu une renommée mondiale. Cette fresque monumentale, plus de neuf heures, décrivait la vie et la mort d’un immense complexe industriel.
Dans Les âmes mortes, il revient sur l’une des pages les plus tragiques du « Grand Bond en avant » : la déportation, ordonnée par le président Mao, de tous ceux qui avaient osé critiquer la révolution. Emprisonnés dans des camps de rééducation, ces droitiers – c’est ainsi qu’on les nommait – mourraient de faim et de maladie.
Quand les « miraculés » racontent leurs histoires
Bien peu sont revenus. Aujourd’hui, ces « miraculés » sont âgés de plus de 80 ans et ils racontent au cinéaste l’enfer auquel ils ont survécu. Ce sont des voix, des soupirs, parfois des sanglots qui nous parviennent, quasiment d’outre-tombe, qui nous racontent des scènes d’une cruauté à couper le souffle, mais aussi des histoires de solidarité, des gestes d’héroïsme minuscule.
Les âmes mortes est un film exceptionnel par son format, plus de huit heures, mais surtout parce qu’il documente une page effacée des livres d’histoire, un sujet encore largement tabou dans la Chine d’aujourd’hui.
RFI