L’éditeur français de jeux vidéo Ubisoft a décidé de modifier son jeu, Rainbow Six Siege, pour éviter d’être censuré en Chine. Il envisage d’appliquer ces modifications à la version destinée aux joueurs du monde entier, provoquant leur colère.
Fini les traces de sang sur les murs. Exit les bandits manchots dans les bars. Cachez ces silhouettes féminines aux formes suggestives que les Chinois ne sauraient voir. L’éditeur français de jeux vidéo Ubisoft a annoncé, samedi 3 novembre, quelques changements “cosmétiques” sur Rainbow Six Siege, l’un de ses titres phares, pour sa sortie prévue avant la fin de l’année sur le marché chinois. Des modifications motivées par le désir de plaire aux censeurs chinois mais prévues pour s’appliquer à tous les joueurs, qu’ils soient à Pékin ou à Paris.
Dans le communiqué détaillant les changements à venir, Ubisoft se veut rassurant en précisant que les mécanismes “qui font l’identité” du produit ne seront pas affectés. Rainbow Six Siege est un jeu de tir où deux équipes s’affrontent, l’une incarnant des preneurs d’otages et l’autre un groupe d’intervention de la police.
Un jeu, deux versions ?
Lors de sa sortie en 2015, Ubisoft n’avait probablement pas encore en tête de partir à la conquête des quelques 560 millions de joueurs chinois. Sinon, l’éditeur français n’aurait pas truffé son jeu de détails graphiques comme des masques en forme de tête de mort, des néons publicitaires représentant des stripteaseuses, ou des machines à sous.
La Chine a en effet établi, en 2010, une liste des règles à suivre pour éviter le couperet de la censure. Les jeux vidéo ne doivent pas “violer la constitution chinoise”, “mettre en péril l’intégrité territoriale chinoise”, “promouvoir des jeux d’argent ou des superstitions”, “heurter la réputation du pays”, “inciter à la haine raciale, l’obscénité ou la violence”, “insulter les traditions chinoises” ou “enfreindre toute autre règle de loi”.
Une liste à rallonge et d’interprétation suffisamment large pour avoir longtemps dissuadé les créateurs occidentaux de jeux vidéo d’essayer de pénétrer le marché chinois. Certains éditeurs ont néanmoins tenté l’aventure. Blizzard a ainsi créé une version sino-compatible de son célèbre jeu en ligne World of Warcraft. Mais ces adaptations ne concernaient que le public chinois, tandis que les autres joueurs pouvaient continuer à démembrer des morts-vivants, tout en se promenant dans des décors où les personnages féminins n’hésitaient pas à exhiber leurs moindres pixels.
Ubisoft rompt avec le principe du “un jeu, deux versions” qui était de mise jusqu’à présent, pour accéder au marché chinois tout en préservant l’intégrité de l’œuvre initial. Tous les joueurs devront désormais évoluer dans un même univers remodelé pour plaire à Pékin. C’est là que le bât blesse pour la communauté des fans. Ils ont violemment critiqué ce choix sur Internet, ces derniers jours, accusant l’éditeur français d’exporter la censure chinoise. “Je suis loin d’être ravi d’apprendre que les règles d’un régime autoritaire vont affecter mon passe-temps favori. Ces changements ne devraient être appliqués que pour ceux qui n’ont pas d’autre choix que de s’y plier”, écrit ainsi un utilisateur du site communautaire Reddit.
Dans le sillage des dilemmes moraux d’Hollywood
Face à cette levée de boucliers, Ubisoft a réagi, lundi 5 novembre, en précisant qu’il y aurait peut-être certains changements qui ne seraient visibles que pour les joueurs chinois. Une mise au point trop floue pour apaiser la colère des internautes.
Cette polémique prouve que les règles qui régissent l’industrie du jeu vidéo se rapprochent de celles qui gouvernent le monde du cinéma à l’égard de Pékin. Hollywood a, depuis longtemps, accepté de s’autocensurer pour quelques yuans de plus. Déjà en 1997, le réalisateur David Cameron avait reconnu que pour “plaire au public chinois”, il avait décidé de couper au montage une scène où les spectateurs pouvaient voir un petit bout du sein dénudé de l’actrice Kate Winslet. Dans le même esprit, James Bond ne vient jamais à bout d’un adversaire chinois dans la version destinée au public oriental de Skyfall (2012). Pourtant, une partie des scènes d’action se déroulent à Macao et à Shanghai.
Les scénaristes de Star Trek Beyond ont, quant à eux, dû se creuser les méninges pour trouver un moyen de contourner l’interdiction chinoise de montrer explicitement l’homosexualité à l’écran. Pour pouvoir sortir en Chine, une scène de baiser entre l’un des personnages principaux – Hikaru Sulu – et son mari a été coupée au montage pour donner l’impression qu’ils vivaient une relation purement platonique.
Le jeu vidéo en est encore à se demander s’il faut tuer ou non des zombies ou des monstres dont les censeurs chinois ne veulent pas entendre parler. À mesure que des titres aux thématiques plus matures, comme Life is Strange – qui aborde la question du suicide adolescent et de l’usage des drogues –, vont gagner en popularité, les éditeurs vont se retrouver face aux mêmes dilemmes moraux qu’Hollywood.
France 24
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