La crise humanitaire au Bangladesh après l’exode des Rohingyas continue, avec 700 000 personnes forcées de fuir les exactions de l’armée birmane. Les camps bangladais sont surpeuplés, les conditions de vie déplorables. Voilà pourquoi le gouvernement construit en ce moment une structure en dur sur l’île de Bhasan Char, au large de ses côtes, avec l’idée de reloger une partie de ces déplacés qui ne veulent pas rentrer en Birmanie. L’Initiative est critiquée par certaines ONG qui parlent d’une nouvelle prison à ciel ouvert pour les Rohingyas, comme l’explique Alice Baillat, spécialiste du Bangladesh à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Depuis au moins 2015, le gouvernement du Bangladesh avance l’idée de concentrer une partie des migrants rohingyas dans cette île formée en 2006. Selon l’agence Reuters, les travaux de construction des structures avancent. Celles-ci sont pourtant dures : selon des images révélées par le quotidien britannique The Guardian mercredi 28 novembre, les familles rohingyas seront logées dans des cubes de 2×2,5 mètres avec des petites fenêtres bloquées par des barres de fer.
Ces dernières semaines, les arrestations de membres de cette minorité musulmane se sont multipliées. La police bangladaise a annoncé vendredi 30 novembre avoir arrêté dix réfugiés qui s’apprêtaient à partir pour la Malaisie, dont six jeunes femmes et quatre hommes. Deux jours auparavant, les autorités birmanes ont annoncé l’interpellation de 93 Rohingyas dans les eaux territoriales du pays. Forcé à rentrer dans l’ouest du pays, il s’agit du troisième bateau tentant de fuir vers la Malaisie par la mer à être interpellé par les forces de l’ordre birmanes ces deux dernières semaines.
Après de multiples retards, le Bangladesh devrait lancer mi-novembre le rapatriement d’un premier groupe de 2 251 réfugiés. Mais aucun candidat ne s’est présenté à la frontière entre ce pays et la Birmanie, car nombreux redoutent de rentrer par peur de nouvelles exactions ou d’être immédiatement cantonnés dans les camps de fortune de l’État Rakhine.
La concentration de ces réfugiés dans l’île de Bhasan Char pose problème, selon Alice Baillat, spécialiste du Bangladesh à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), « on sait que cette île est vulnérable à plusieurs aléas climatiques, notamment inondations et cyclones, ce qui expose en fait les Rohingyas qui iront sur cette île à des menaces climatiques sérieuses, explique la chercheuse. Le deuxième problème, c’est que c’est une île qui est extrêmement isolée, puisqu’elle est à 30 kilomètres des côtes du Bangladesh et qu’il faudra plusieurs heures de bateau pour y accéder. Cela pose la question de la liberté de mouvement des Rohingyas qui iront sur cette île: est-ce qu’ils auront la possibilité de quitter l’île s’ils le souhaitent? Ça, on ne le sait pas. »