C’est un fait, depuis qu’il a fait irruption sur la scène politique, Ousmane Sonko n’a cessé de hanter le sommeil des tenants du régime actuel. Son ascension fulgurante est due en partie aux erreurs et maladresses du pouvoir, depuis sa radiation injuste de la Fonction publique par Macky Sall, jusqu’aux attaques récentes contre sa personne et les intimidations contre sa famille. Ces attaques ont franchi un nouveau palier, suite à une vidéo dans laquelle il aurait appelé à « fusiller » ceux qui ont eu à diriger le pays depuis des décennies.
UNE INDIGNATION AMPLEMENT JUSTIFIÉE
Dans la vidéo en question, Ousmane Sonko crie son indignation face aux crimes économiques abominables qui ont jalonné la gestion des régimes d’Abdou Diouf à Macky Sall, en passant par Abdoulaye Wade. C’est un secret de Polichinelle que le régime socialiste et les deux régimes libéraux qui lui ont succédé ont été caractérisés par un pillage éhonté des entreprises publiques et parapubliques, des détournements de deniers publics à grande échelle, une corruption généralisée et le népotisme, qui ont entraîné la liquidation de plusieurs entreprises dans tous les secteurs. La SONACOS, la SOTIBA (textile), la BNDS (banque), la Régie des chemins de fer, la SOTRAC, entre autres, ont été les victimes de ce pillage. Les organes de contrôle, comme l’Inspection générale d’État (IGE) et la Cour des Comptes, ont produit de nombreux rapports sur la gestion calamiteuse de ces entreprises qui a englouti des dizaines de milliards au détriment de la collectivité nationale. Et dans la plupart des cas, il n’y a eu aucune poursuite. Souvent, ces rapports ont été utilisés comme d’une épée de Damoclès pour faire transhumer les personnes incriminées. N’est-ce pas Macky Sall qui disait avoir mis le coude sur certains de ces rapports. Comme par exemple, celui du COUD, dirigé par son « ami de longue date » Cheikh Oumar Hanne, épinglé par l’OFNAC, dont la première présidente fut limogée pour avoir exposé la corruption qui gangrène le second régime libéral.
Les scandales qui ont jalonné le règne des socialistes et des libéraux depuis des décennies ne se comptent plus. Mais ces scandales ont des conséquences économiques et sociales considérables. Derrière les chiffres, ce sont des centaines, voire des milliers de vies qui sont affectées, ce sont des services vitaux qui ne fonctionnent plus correctement ou sont paralysés pour de longs mois.
Que l’on pense à toutes ces grèves dans l’éducation, la santé, deux secteurs vitaux, parce que les moyens qui devaient leur être alloués ont été détournés de leur objectif ou tout simplement utilisés à des fins personnelles. Combien de scandales sont-ils étalés presque quotidiennement dans la presse ? Les contrats avec Petrotim, avec l’implication du frère du président de la République, le bradage des ressources minières à des sociétés étrangères qui se comportent comme en pays conquis, la distribution des biens publics à des proches ou des amis, la gestion clanique du pouvoir, et j’en passe.
Ces scandales et abus à répétition des socialistes et des libéraux ne peuvent que soulever l’indignation, voire révolter, toute personne soucieuse du devenir de notre pays, comme Ousmane Sonko. Une indignation que partagent sans doute des milliers de ses compatriotes, sans aller jusqu’à demander de « fusiller » ceux qui ont dirigé ce pays.
LA PEUR DE PERDRE LE POUVOIR
Quand Sonko parle de « fusiller », c’est pour exprimer la nécessité de sanctionner les responsables à la hauteur des crimes commis. Autrement dit, les punir sévèrement pour faire des exemples et dissuader d’autres de continuer à piller les ressources du pays. Il ne faut donc pas prendre le mot « fusiller » au pied de la lettre. Mais évidemment, l’occasion était trop belle pour l’armée mexicaine et ses mercenaires pour aller à l’assaut de Sonko. C’est la peur de perdre le pouvoir et ses privilèges qui explique la hargne et la haine avec lesquelles les gens du pouvoir attaquent Sonko. Toutes les épithètes les plus infamantes sont utilisées pour le peindre sous les traits les plus sinistres et faire peur aux Sénégalais.
Le porte-parole de l’armée mexicaine a donné le ton en qualifiant les propos de Sonko du jargon de « terrorisme », de « l’islamisme » et du « djihadiste ». Et il demande à l’État de sévir, c’est-à-dire d’arrêter Sonko, pour éliminer ainsi un autre adversaire dangereux pour la réélection de leur chef. Un autre général, dont la santé mentale est un sujet de préoccupation au sein de l’armée et de son chef suprême, est allé encore plus loin, en appelant carrément au meurtre de Sonko ! Et il ne s’est trouvé personne dans leur camp pour condamner, ou au moins déplorer de tels propos.
Mais incapables tout seuls de faire le travail, les généraux de l’armée mexicaine ont engagé des mercenaires, payés au prix fort, pour leur prêter main forte. C’est ainsi qu’un certain marabout, complètement discrédité, a été sollicité pour l’occasion, pour accuser Sonko d’être un membre de Daesh, de « salafiste », etc. Curieusement, c’est le même marabout qui vilipendait Macky Sall en 2012, en le taxant de « mathioudo », c’est-à-dire esclave, en pulaar ! Et voilà qu’il se met maintenant au service du mathioudo, devenant ainsi le mathioudo du mathioudo. Triste destin !
D’autres mercenaires, composés de repris de justice et d’ivrognes notoires, sont également appelés à la rescousse pour attaquer Sonko. C’est le moment propice pour se faire remarquer par le chef suprême, distributeur de prébendes et pourvoyeur de toutes sortes de récompenses.
Toutes ces réactions et déclarations montrent à quel point Sonko hante leur sommeil.
SYMBOLE DE RUPTURE
C’est que Sonko représente un homme politique qui n’appartient pas au système qui prévaut dans notre pays depuis au moins quatre décennies. Un système caractérisé par une culture de la corruption, du népotisme et de la gestion parfois clanique de l’État. Du régime de Abdou Diouf à celui de Macky Sall, ce sont les mêmes qui se relaient au pouvoir pour faire à peu près la même chose. Ils partagent la même culture politique et ont géré le pays ensemble à des moments donnés ou reconduit les mêmes comportements dans les régimes dits de « l’alternance », qui ne sont que de simples jeux de chaises musicales. Le PS et l’AFP sont comptables du bilan économique et social accablant du défunt régime socialiste. Ils sont aujourd’hui aux côtés de Macky Sall, qui est un pur produit du système d’Abdoulaye Wade. Ils partagent la même culture de prédation, de népotisme et de pillage des deniers publics. On crée des institutions qui ne servent à rien, sauf à trouver des sinécures à des membres et alliés de la coalition au pouvoir. Hier, c’était le Sénat avec Wade, aujourd’hui, c’est le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), dont les budgets se chiffrent en milliards pour un rendement nul ! Le 17 octobre, un journal, pourtant non hostile au régime, barrait sa Une comme suit : « Bamboula au Palais » !
C’est cette culture de prédation et de gabegie qui se sent menacée par le discours de Sonko. Le succès de plus en plus évident rencontré par ce discours a éveillé de grandes frayeurs chez les tenants du pouvoir et leurs mercenaires. C’est pourquoi une sorte de sainte alliance s’est formée contre lui. On s’interroge même sur sa religion, ce qui n’a jamais été fait dans ce pays, marqué par la tolérance entre religions et confréries. Maintenant avec la vidéo, on monte d’un cran en essayant de lui accoler des étiquettes ridicules de « terroriste », de « djihadiste » !
Les régimes despotiques et leurs porte-parole ont toujours essayé de taxer leurs ennemis de « terroristes ». Qui a oublié que Nelson Mandela et ses camarades de l’ANC étaient taxés de « terroristes » par l’odieux régime d’apartheid et ses alliés, comme les États-Unis. Même lors de sa visite triomphale dans ce pays après sa sortie de prison, il était encore sur la liste des « terroristes » du Département d’État ! Qui a oublié que Yasser Arafat, leader historique du peuple palestinien, était aussi un « terroriste » aux yeux de l’État terroriste d’Israël et de son allié inconditionnel, les États-Unis!
Pour revenir au Sénégal, Ousmane Sonko n’a rien à voir avec les accusations loufoques proférées par des gens ayant la peur au ventre à l’idée de perdre le pouvoir et leurs privilèges. Sonko est un patriote authentique, qui a démontré son engagement sincère pour la défense des intérêts vitaux du Sénégal. Pour cet engagement, il a accepté de payer le prix fort, avec sa radiation de la Fonction publique par Macky Sall. Cela n’a fait que le grandir et renforcer son aura et son audience.
Incontestablement, Ousmane Sonko représente la promesse d’une rupture radicale par rapport à la culture politique actuelle et à la gestion du bien public.
Par Demba Moussa Dembélé
Économiste/Chercheur
Président de l’ARCADE