La justice soupçonne le géant suisse de la gestion de fortune d’avoir mis en place entre 2004 et 2011 un vaste système de démarchage de riches clients français. Le procès s’ouvre ce lundi à Paris.
C’est un procès hors norme qui s’ouvre ce lundi au tribunal correctionnel de Paris. UBS, la première banque helvétique, comparaît pour «démarchage illicite» et «blanchiment aggravé de fraude fiscale». Sa filiale française est jugée pour «complicité» de ces mêmes délits. Six hauts responsables de la banque, en France et en Suisse, sont aussi sur les bancs des prévenus, aux côtés des deux sociétés.
Le géant mondial de la gestion de fortune est soupçonné d’avoir développé, entre 2004 et 2011, un vaste système de démarchage de riches clients français pour qu’ils ouvrent un compte en Suisse, alors qu’il n’était pas habilité à intervenir sur le territoire français.
Pour les juges d’instruction, UBS a mis en place «pour ses clients résidents fiscaux français une série de services, procédés ou dispositifs destinés à dissimuler, placer ou convertir sciemment des fonds non déclarés», via notamment «des sociétés offshore, des trusts ou des fondations». Les montants en jeu sont impressionnants: le parquet national financier (PNF) les évalue à environ 10 milliards d’euros. Des sommes que conteste UBS.
La banque est aussi accusée d’avoir masqué les mouvements de capitaux illicites entre la France et la Suisse derrière une double comptabilité baptisée en interne les «carnets de lait». Un système dénoncé par d’anciens salariés, dont Nicolas Forissier, ex-responsable de l’audit interne d’UBS France, mais que réfute la défense d’UBS, qui assure qu’il s’agissait d’un simple outil d’évaluation des performances des banquiers. Le procès, qui doit se tenir jusqu’au 15 novembre, est autant celui d’UBS que celui d’une époque combattue depuis la crise financière de 2008. Cela a d’ailleurs abouti à l’adoption par les pays du G20 et de l’OCDE du principe de l’échange automatique des données entre États. Une mesure que plus de 90 pays se sont engagés à adopter en 2018, ce qui, sur le papier, a signé la fin du secret bancaire suisse.
Lourdes peines encourues
Ce procès est aussi l’épilogue judiciaire de six années de procédures (regroupées dans 30 tomes) et d’investigations. «UBS aura enfin la possibilité de répondre aux allégations souvent infondées et fréquemment diffusées sous la forme de fuites dans les médias, en violation manifeste de la présomption d’innocence et du secret de l’instruction», s’est défendue la banque helvétique, vendredi. Dans le même temps, la défense des huit prévenus a dénoncé un «procès en sorcellerie» et une procédure «déloyale» en violation des conventions internationales. Leurs avocats entendent présenter plusieurs questions préalables de constitutionnalité (QPC) et toute une série d’exceptions de nullité qui devraient occuper le tribunal pendant la première des six semaines d’audiences prévues.
L’affaire judiciaire a connu de nombreux rebondissements. Elle a débuté en 2011 avec l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris à la suite d’un courrier anonyme envoyé au gendarme des banques (ACP) évoquant les pratiques commerciales d’UBS en France. En 2013, l’ACP inflige une amende record de 10 millions d’euros à la branche française pour «laxisme» dans le contrôle des pratiques commerciales. L’année suivante, UBS a été placée sous contrôle judiciaire avec l’obligation de verser une caution de 1,1 milliard d’euros.
En 2017, la banque n’est pas parvenue à trouver un accord financier avec le parquet national financier français pour éviter un procès. Contrairement à une filiale suisse de HSBC, également accusée d’avoir aidé des contribuables français à frauder le fisc, qui a accepté de payer 300 millions d’euros pour mettre fin aux poursuites. UBS encourt pourtant de lourdes peines. De fait, les amendes pourraient atteindre jusqu’à la moitié de la valeur des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment présumé et donc s’élever à plus de 4 milliards d’euros!
Source: Le Figaro.fr