La silhouette longiligne de l’ex-homme fort du Palais de Kossyam ne fera pas son apparition, ce jeudi 27 avril dans le prétoire de la Haute cour de justice du Palais de Ouagadougou. Malgré une citation à comparaître et même un mandat d’arrêt international, l’ancien président sera jugé par contumace pour la répression de l’insurrection populaire à l’origine de sa chute en 2014.
Le box des accusés de cette juridiction compétente pour juger les haut-fonctionnaires sera aussi étroit pour accueillir l’ex-Premier ministre Luc Adolphe Tiao et 34 de ses ex-ministres. Tous sont poursuivis pour « complicité d’homicide volontaire » et « coups et blessures ». Des chefs d’accusation pour lesquels l’ancien président, poursuivi en sa qualité de ministre de la Défense de l’époque, de même que ses co-accusés, risquent la peine de mort.
Pour comprendre les faits, il faut remonter au contexte politique et social tendu qui a prévalu avant le 30 octobre 2014. Cette date marque le début de plusieurs marches de protestation contre le projet de modification constitutionnelle porté par le président pour faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats. Mais dans les rues du « pays des hommes intègres », la colère gronde contre les vingt-sept années de règne d’un Blaise Compaoré décidé à rempiler sur son fauteuil. Au prix d’une dure répression.
Les manifestations sont violemment réprimées par des Forces de l’ordre à bout de souffle. En conseil des ministres, le gouvernement fait appel au renfort de l’armée qui tire à balles réelles sur des manifestants au mieux munis de pancartes. Même si le bilan officiel fait mention de la mort de 33 manifestants au cours des jours répression, l’ex-gouvernement sera poursuivi pour la mort de 7 manifestants et les blessures infligées à 88 personnes.
Derrière ce procès, beaucoup d’affaires en suspens
Le procès, très suivi dans le pays est dénoncé par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti au pouvoir, comme une « parodie de justice » instrumentalisée pour des intérêts politiques. La défense de son côté dénonce un « détournement de procédure » et un procès inéquitable. Mais loin des querelles de prétoires et des phrases assassines, les espoirs sont ailleurs.
Blaise Compaoré, naturalisé citoyen ivoirien depuis son exil à Abidjan après sa chute, est au centre d’attentes judiciaires qui vont au-delà du procès devant la Haute cour de Justice. En Côte d’Ivoire, les partisans de Laurent Gbagbo aimeraient le voir traduit devant la Cour pénale internationale (CPI) pour son implication supposée dans la crise post-électorale de 2010. Dans les rues abidjanaises on pousse même l’ironie jusqu’à penser Blaise Compaoré en compagnon de cellule de l’ancien Président ivoirien jugé devant la CPI pour crimes de guerre.
Un humour dont se passe la famille de Thomas Sankara qui attend de voir l’ex-président burkinabé payer pour son implication supposée dans l’assassinat en 1987 du « Che africain ». Autant de cadavres ressortis des placards présidentiels qui traînent dans l’ombre de Blaise Compaoré. Avec une prédiction teintée d’espoir, certains nourrissent l’idée de voir l’ancien président être jugé par une chambre africaine spéciale qui sera créée au sein des tribunaux ivoiriens. Ce serait alors une cocasserie de l’Histoire pour le premier président africain à avoir pris la nationalité d’un autre pays africain