Ousmane Sonko a promis de renégocier tous les contrats pétroliers, miniers et gaziers, s’il est élu président de la République. Mauvaise idée, selon Thaddée Seck, juriste d’affaires spécialisé en droit extractif et consultant en gouvernance des activités extractives. L’expert s’explique dans cet entretien avec Seneweb.
Ousmane Sonko prévoit, s’il est élu Président du Sénégal, de renégocier les contrats pétroliers, gaziers et miniers en cours. Est-ce une mesure réalisable ?
C’est absolument possible de renégocier les contrats. Cependant, dans le secteur extractif, nous sommes dans le cadre d’un arbitrage d’investissement. Et selon les dispositions des articles 33 et suivants des différents contrats qui ont été signés, le Sénégal, sur la base de la convention de New York signée dans les années 60, a accepté l’arbitrage comme moyen de résoudre les conflits pouvant exister entre l’investisseur et l’État d’accueil. Dans ce sens, quand il y aura contentieux, c’est-à-dire lorsque les entreprises ne seront pas d’accord sur les termes de la négociation, c’est le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) qui est compétent. C’est un organe de la Banque mondiale qui est chargé de trancher les différends en matières d’investissement.
Les États signataires sont-ils soumis aux décisions du Cirdi ?
La particularité de ce centre c’est que toutes ses décisions sont à appliquer. Les sentences arbitrales qu’il prend sont exécutoires, même si elles sont à l’encontre d’un État. En droit public, on dit que les biens de l’État en tant que personne morale ne peuvent pas être saisis. Mais dans le cadre d’un arbitrage d’investissement, tous ces principes sont ignorés et ce qui compte c’est de rembourser à l’investisseur tout ce que l’État lui doit.
« L’arbitrage est un mécanisme qui coûte excessivement cher. C’est un système qui ne protège pas les États, surtout ceux africains. »
Dans le fond, que pensez-vous de la proposition de Sonko ?
La renégociation des contrats pétroliers est un pari qui est très risqué pour le Sénégal. Il y a, d’une part, beaucoup de contrats à renégocier, mais d’autre part je me demande si l’État du Sénégal aura les moyens de faire face à une tendance arbitrale qui lui serait défavorable. Je rappelle que l’arbitrage est un mécanisme qui coûte excessivement cher. Rien que pour l’enregistrement de la requête, vous pouvez arriver à 30 mille dollars (près de 20 millions de francs Cfa). Sans compter le paiement des frais des arbitres entre autres dépenses. Donc, c’est un système qui est totalement décrié. C’est un système qui ne protège pas les États, surtout ceux africains. Le pari est extrêmement risqué pour Ousmane Sonko. Ce n’est pas facile. Je le lui déconseillerais.
Comment devrait-il s’y prendre alors pour corriger les contrats qui seraient contre les intérêts du Sénégal ?
C’est inciter les entreprises à mieux intégrer les préoccupations sociales et environnementales dans le cadre de leurs opérations. Ensuite, adopter une loi qui s’appliquera une fois que les permis attribués à ces entreprises, seront arrivés à terme. C’est-à-dire si en 2019, Ousmane Sonko prend le pouvoir, il peut adopter une loi qui modifie l’actuelle loi pétrolière. Il dira que tous les détenteurs de permis restent soumis à la loi de 1998 mais en cas d’expiration de leurs permis, que cela soit un permis de recherche ou un permis d’exploitation, ils seront directement soumis à la nouvelle loi. C’est le conseil que je lui donnerais. Mais aller dans le sens d’une renégociation je ne le conseille à aucun État.
Source Seneweb.com