MONTPELLIER (AFP) –
Cinquante ans après l’assassinat de Martin Luther King, une exposition inédite de photographies retrace au Pavillon populaire de Montpellier, avant Washington et Johannesburg, la lutte pour les droits des noirs américains aux Etats-Unis dans les années 1960 et 1970.
A travers 300 clichés, souvent inédits, d’amateurs, de photojournalistes régionaux ou de célèbres photographes, le directeur artistique Gilles Mora et le commissaire d’exposition William Ferris, professeur d’anthropologie, spécialiste de la culture sudiste, mettent l’accent sur les conditions de vie des noirs américains, marquées alors par la pauvreté et la ségrégation, et sur leurs luttes pour l’égalité malgré les insultes, les menaces, les lynchages, les assassinats.
Le titre de l’exposition, « I am a Man » (« je suis un Homme »), évoque les pancartes avec lesquelles manifestaient des travailleurs noirs d’une société de ramassage de poubelles après la mort de deux de leurs collègues écrasés par une benne à ordure en février 1968 à Memphis (Tennessee).
Si les photos exposées ont été prises il y a parfois plus de 50 ans, « aujourd’hui, le problème du racisme entre les blancs et les noirs est plus grand à travers le monde », a déploré James Meredith lors de la présentation de l’exposition, sans pour autant, à 85 ans, baisser les bras dans son combat pour l’égalité.
– « Un moment historique » –
Gilles Mora explique avoir voulu « montrer ce qu’a été cette lutte extrêmement violente » alors que les Etats-Unis sont actuellement en « plein retour en arrière ».
Pour William Ferris, l’exposition en elle-même est « un moment historique ». « Il est crucial qu’elle ait lieu maintenant car malheureusement la plupart des questions qui étaient évoquées il y a 50 ans sont toujours d’actualité aux Etats-Unis et à travers le monde », a déclaré à l’AFP M. Ferris qui a notamment enseigné à Yale et en Caroline du Nord.
« Le racisme et la violence contre les noirs restent des thèmes centraux des mouvements +Black lives matter+ (+Les vies des noirs comptent+) et +Me too+ », relève l’ancien conseiller culturel du président démocrate Bill Clinton.
Le Pavillon populaire a présenté successivement trois expositions inédites « contre le colonialisme, contre le fascisme puis contre les discriminations et le ségrégationnisme, trois engagements politiques forts », s’est félicité Philippe Saurel, maire (DVG) et président de la métropole de Montpellier.
« Aurès 1935 », l’exposition consacrée au travail des deux ethnographes Germain Tillon et Thérèse Rivière, a réuni 40.000 visiteurs, tandis que 70.000 ont vu « Un dictateur en images » analysant les clichés de propagande du photographe d’Hitler.
« Les Français ont toujours devancé l’Amérique dans la reconnaissance des écrivains tels que William Faulkner, de notre jazz et particulièrement des artistes noirs », a réagi William Ferris interrogé sur le fait que « I am a Man » soit montée à Montpellier avant de rejoindre en avril le National Museum of African American History and Culture (NMAAHC) de Washington puis en septembre le Museum Africa de Johannesburg.
Troisième volet d’un cycle sur les liens entre la photographie et l’Histoire, « I am a Man, photographies et luttes pour les droits civiques dans le sud des Etats-Unis (1960-70) » a été montée par et pour le Pavillon populaire de Montpellier où elle sera visible gratuitement jusqu’au 6 janvier 2019.
En marge de l’exposition, Montpellier accueille les 18 et 19 octobre à l’auditorium du Musée Fabre un colloque sur « les mémoires du mouvement des droits civiques », présentant les analyses d’historiens et universitaires américains et français.