Grain de sable (Chronique Mame Less Camara)

Ousmane Sonko et Abdoulaye Wade ont pris rendez-vous à Doha, Qatar, pour une rencontre dont l’issue pourrait influencer le déroulement de la présidentielle de février 2019. Le premier, leader du parti Pastef, est né en 1974, l’année où le second créait  le Parti démocratique sénégalais (Pds). Les deux hommes ont été précipités l’un vers l’autre par la tournure que la période préélectorale prend depuis quelque temps. Le candidat de Wade, son fils Karim, voit ses chances de participer à cette compétition presque réduites à néant tandis que Sonko est au centre d’une dynamique populaire remarquable.  Un marchandage politique semble donc envisageable, avant même que les deux protagonistes ne soient face-à-face.

Le jeune leader politique peut espérer que Wade se résigne à l’irrecevabilité de la candidature de son fils et lui apporte un soutien total et exclusif. Mais à quel prix ? On connaît l’attachement du chef du Pds à la doctrine « gagnant-gagnant ». Ses conditions seront certainement inacceptables pour Sonko et des secteurs de sa mouvance qui ne veulent pas de l’ancien chef de l’Etat. De plus, le Pds est en effritement constant depuis qu’il a perdu le pouvoir en 2012. L’épisode actuel de la candidature de Me Madické Niang à l’élection présidentielle est la dernière péripétie en date. Il est peut probable que Wade veuille encore en rajouter en adoubant Sonko. Cela ouvrirait le chemin du ralliement à certains qui hésitent encore.

Par ailleurs, ce qui fait tant apprécier Sonko des  foules est aux antipodes de ce que le leader du « sopi » incarne encore aux yeux de la majorité qui lui avait retiré le pouvoir. L’alliance électorale (qui n’est pas encore à l’ordre du jour) comporte donc des avantages et inconvénients pour les deux parties.  Wade joue ce qui lui reste d’effectifs dans sa formation politique. Sonko pourrait mettre un frein à l’attrait qu’il exerce sur des citoyens de différents âges, motivations et conditions sociales s’il scellait une telle alliance. Le moindre grain de sable est une entrave possible au fonctionnement de cette mécanique d’adhésion qui est en train de changer la donne politique sénégalaise.

L e schéma idéal pour Sonko serait que, pour des raisons peu politiques, comme la vengeance ou d’autres sentiments similaires, des électeurs Pds votent pour faire perdre le pouvoir au président Macky Sall.  Ce n’est pas une hypothèse absurde car la rancune et l’animosité ont atteint des nivaux plus qu’inquiétants entre le chef de l’Etat sortant et ses anciens « frères » du Pds. Plusieurs sont passés par la prison. D’autres y demeurent encore. Les échanges entre les deux groupes, par médias interposés, sont pleins de références aux mauvais traitements qu’ils se sont mutuellement infligés, selon la fortune politique de l’un ou l’autre.

 Le paradoxe de la situation est que l’afflux vers le nouveau venu sur la scène politique sénégalaise est alimenté, pour beaucoup, de déçus en quête de nouveaux discours de vertu et de rupture, des mots avec lesquels l’actuel président les avait convaincus il y sept ans. Les populations répondent toujours favorablement à de tels promesses. Le mouvement suscité est visible. Il est même trop manifeste pour qu’Abdoulaye Wade puisse lui tourner le dos. « Que faire de cette force qui est en train de monter ? » semble-t-il se demander. Et il a sa petite idée, bien sûr.

Si Doha se tient entre l’ancêtre et le cadet de la scène politique, cela pourrait donner lieu à une simple rencontre exploratoire entre deux forces politiques qui se savent complémentaires mais dont le compagnonnage est difficile à établir.

Chronique Mame Less Camara (SourceA)

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