Edouard Philippe a promis de présenter à la mi-journée « l’architecture » de la réforme visant à fondre les 42 régimes de retraite actuels (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires) en un seul système universel par points.
Trains à l’arrêt, lignes de métros fermées, pagaille de vélos et trottinettes, crèches et écoles au ralenti, blocages de raffineries… La France vit depuis jeudi au rythme de la mobilisation.
Au premier jour, plus de 800.000 personnes avaient manifesté dans tout le pays, selon le ministère de l’Intérieur. Ragaillardie, l’intersyndicale avait convoqué une deuxième journée de mobilisation mardi. Celle-ci s’est soldée par une participation très en retrait. Les taux de grévistes étaient également nettement en baisse, sauf chez les cheminots.
Mercredi encore, le trafic des trains et métros restait très perturbé, avec moins d’un TGV (train à grande vitesse) sur quatre en circulation et neuf lignes de métro sur 16 fermées à Paris.
Ces difficultés se soldaient par un trafic routier particulièrement dense avec environ 420 kilomètres de bouchon en région parisienne, un niveau exceptionnel, selon le site d’information routière Sytadin.
« On peut pas travailler comme ça. Ces bouchons, c’est pas possible », a commenté un chauffeur de VTC excédé par les embouteillages.
Réunie mardi soir, l’intersyndicale a appelé à des actions locales jeudi et samedi, puis une journée de mobilisation interprofessionnelle mardi 17 décembre à Paris, en même temps que la manifestation des personnels hospitaliers.
Dans ce contexte, les annonces d’Edouard Philippe sont particulièrement attendues, même si lui-même ne se fait pas d’illusions. « Ce n’est pas parce que je fais un discours que les manifestations vont cesser », a-t-il averti. « Il n’y a pas d’annonces magiques ».
« Dire la vérité »
Décalage dans l’application de la réforme, périodes de transition pour les régimes spéciaux, éventuelle revalorisation des carrières de la fonction publique, notamment des enseignants, âge pivot, pénibilité, droits familiaux… sont autant d’options que le Premier ministre va lever, ou non, mercredi.
Des gestes ont déjà été promis aux enseignants et aux policiers. Le gouvernement a également laissé entendre qu’il n’y aurait pas de mesure budgétaire supplémentaire avant l’entrée en vigueur de la réforme.
Mais devant l’Assemblée nationale mardi, le Premier ministre a aussi répété qu’il fallait « dire la vérité aux Français, la dire tranquillement: cela passe progressivement par un allongement de la durée de travail, progressivement, de façon à préserver les choix individuels de chacun ».
Une position qui ne convainquait déjà pas le patron du syndicat CFDT, Laurent Berger, avant la grève. Vu son mutisme depuis le premier jour de mobilisation, sa réaction aux décisions du gouvernement sera particulièrement scrutée.
Il y a une semaine, il avait redit que si, dans la réforme, il y avait « l’idée qu’il faut travailler plus longtemps, c’est niet ». « S’il y a le moindre élément de réforme paramétrique (mesure d’âge, allongement de la durée de cotisation, NDLR), la CFDT se mobilisera », a-t-il menacé.
Des gestes clairs sont également attendus par les autres syndicats, tandis que les partis d’opposition, qui ne cessent de dénoncer le flou entourant la réforme, attendent le Premier ministre libéral au tournant. A droite, on est prêt à reprocher tout recul jugé excessif face aux revendications des grévistes. A gauche, on continue à réclamer le retrait pur et simple d’un projet « néfaste » voire « dangereux ».
Le président Emmanuel Macron, qui a fait de la « transformation » du pays, la raison d’être de son quinquennat, joue gros sur cette réforme. Et il risque de perdre des deux côtés, auprès de ses détracteurs comme de ses fidèles, en cas de recul.