Aliou Cissé (Sénégal) et Nabil Maâloul (Tunisie) sont les deux sélectionneurs les moins bien payés parmi ceux qui disputeront la Coupe du monde en Russie. Un phénomène qui n’est pas nouveau en Afrique, où les techniciens étrangers perçoivent généralement de meilleurs salaires…
Hervé Renard est, avec 80 000 € mensuels, le mondialiste le mieux rémunéré, et accessoirement celui dont le salaire est le plus élevé sur tout le continent. Le sélectionneur français du Maroc devance l’Argentin Hector Cuper (Égypte), dont les émoluments sont passés de 40 000 à 53 000 €, soit une augmentation de 25 %, après la qualification des Pharaons pour la Coupe du monde. Suivent l’Allemand Gernot Rohr (Nigeria) avec 38 000 €, le Tunisien Nabil Maâloul (23 000 €) et le Sénégalais Aliou Cissé, qui doit se contenter de 13 300 €.
Certes, à ces salaires viennent s’ajouter différentes primes et avantages en nature [maison, voiture, forfait téléphonique, billets d’avion pour les étrangers, NDLR]. Mais force est de constater que sur le papier, la tendance reste la même depuis des années : les techniciens africains sont en général moins bien payés que leurs confrères étrangers sur le continent. Le dernier exemple en date concerne le Belge Paul Put, qui touche 30 000 € par mois en Guinée, quand son prédécesseur, Lappé Bangoura, avait droit à la moitié… quand il était payé.
Certains Africains bien payés, mais moins nombreux que les Européens
Bien sûr, certains Africains sont plutôt bien rémunérés. Stephen Keshi, le regretté sélectionneur du Nigeria, plafonnait à 26 000 € mensuels. Rabah Madjer en Algérie et Florent Ibenge en RD Congo se situent autour de 25 000 €. En Afrique du Sud, Ephraïm Mashaba recevait 36 000 € jusqu’à son éviction, fin 2016. Mais son successeur, l’Anglais Stuart Baxter, gagne près du double (69 300 €), ce qui fait de lui le troisième coach le milieu payé du continent derrière Renard et l’Espagnol José Antonio Camacho, très bien rémunéré par le Gabon (entre 70 000 € et 80 000 € par mois), pour des résultats pourtant guère flamboyants.
Maâloul a annoncé que ses émoluments mensuels allaient passer à 22 600 €, suite à une revalorisation de 50 % de son salaire…
Mais revenons aux mondialistes. Cissé a droit à un traitement assez éloigné de celui de son prédécesseur, Alain Giresse (23 000 €), mais plus important que ceux d’Amara Traoré et Joseph Koto, deux de ses compatriotes et qui avaient dirigé les Lions de la Teranga avant lui et qui émargeaient à 9 200 €. « Il n’y a rien de scandaleux que Giresse, qui est plus âgé que Cissé, qui a une expérience du haut niveau en tant qu’entraîneur que Cissé n’a pas encore, touche plus. Et la différence – 10 000 € – n’est pas abyssale », estime un agent français bien introduit sur le marché africain.
En Tunisie, Maâloul toucherait désormais 3 000 € de plus que le Franco-Polonais Henri Kasperczak, même si une certaine opacité entoure le salaire du sélectionneur des Aigles de Carthage. Jeune Afrique avait affirmé qu’il atteignait 23 000 €, d’autres médias avançant la somme de 27 000 €. Le 25 mars, Maâloul, qui avait toujours déclaré être le moins bien payé des cinq mondialistes, a annoncé que ses émoluments mensuels allaient passer à 22 600 €, suite à une revalorisation de 50 % de son salaire. « Cela voudrait dire que son salaire n’était que de 11 800 € avant cette augmentation ? J’ai du mal à y croire », poursuit notre agent.
Zahoui : « Il faut mieux payer les locaux »
Il n’empêche que les Africains sont en général moins bien traités que les Européens. Et cela dérange l’Ivoirien François Zahoui, ancien sélectionneur des Éléphants (2010-2012) et désormais à la tête du Niger. Lors de son passage sur le banc des Éléphants, il percevait 15 000 € par mois, soit quatre fois moins que Sabri Lamouchi, choisi pour lui succéder. « Quand une fédération nomme un local, on a l’impression qu’elle lui fait un cadeau royal, qu’il doit surtout se contenter d’être le sélectionneur national. En gros, qu’elle lui rend service ! Bien sûr, ce fût un honneur de diriger la Côte d’Ivoire, mais c’est un poste avec de grosses responsabilités. La pression, vous la gérez au quotidien. Et elle est forte, en Afrique ! Le sélectionneur étranger, même s’il vit sur place, n’est que de passage. Ce qui me désole, c’est que les fédérations africaines sont la plupart du temps conscientes du problème, mais elles ne veulent pas évoluer. Mieux payer ses sélectionneurs locaux, c’est aussi une façon de valoriser le travail effectué. Quand Aliou Cissé qualifie le Sénégal pour la Coupe du monde, je pense que cela mérite une augmentation ! »
Les entraîneurs africains sont mieux formés, ils obtiennent des résultats et ils savent de mieux en mieux négocier les contrats
Pourtant, Joe Kamga, un spécialiste en finance et management à la tête du cabinet d’affaires One Goal Pro (Bruxelles) se veut plutôt optimiste. « Je pense que les écarts vont diminuer. Cela sera long, mais cela me semble inéluctable. Les entraîneurs africains sont mieux formés. On voit qu’ils obtiennent des résultats. Je crois aussi qu’ils savent de mieux en mieux négocier les contrats. Certains ont fait des carrières en Europe, comme Cissé ou Rigobert Song, qui dirige la sélection camerounaise locale. Il me semble évident qu’un Africain ne peux plus accepter des rémunérations très faibles par rapport au poids des responsabilités. »
Si les pays les plus importants sont en mesure de verser des salaires confortables aux sélectionneurs, certaines fédérations parmi les plus désargentées et dont le bon fonctionnement dépend presque exclusivement des subventions de la Fifa et de l’aide de l’État n’ont pas grand-chose à offrir aux sélectionneurs. « Certains salaires sont très bas, de l’ordre de 3000 ou 4000 €, dans des pays comme le Lesotho. Parfois, ils sont payés à la mission, lors des matches internationaux Et on connaît des étrangers qui partent pour 6 000 ou 7 000 €. Avec des primes et des avantages, cela fait des sommes plutôt convenables », explique un agent nord-africain. Mais encore inférieures à ce que gagnent les techniciens européens…