Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro est en tête des intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle, qui a lieu ce dimanche…
Après quatre élections gagnées par le Parti des travailleurs (PT) de Lula et Dilma Rousseff depuis 2002, le Brésil va-t-il se choisir un président d’extrême droite ? A deux jours du premier tour de la présidentielle brésilienne, l’ancien militaire Jair Bolsonaro peut en tout cas croire en ses chances : malgré un attentat à l’arme blanche qui l’a contraint à une hospitalisation forcée pendant de longues semaines, « le capitaine », comme ses partisans le surnomment, est monté inexorablement dans les sondages. Crédité de 31 à 32 % des intentions de vote selon les dernières enquêtes publiées cette semaine, il a dix points d’avance sur son principal adversaire, Fernando Haddad, le candidat qui a pris la relève d’un Lula emprisonné pour le PT. Et pour le second tour, la course s’annonce très serrée entre les deux candidats.
Parmi ces nombreux électeurs séduits par Jair Bolsonaro, Gustavo, 20 ans, étudiant à Belém, a choisi de voter pour l’ancien militaire parce qu’il n’est pas impliqué dans les affaires de corruption, endémique au Brésil « et parce qu’il va se concentrer sur le principal problème du pays, la sécurité ». Le chantier est vaste : le taux d’homicide au Brésil reste trente fois supérieur à la moyenne des pays européens.
Un vote anti-PT
« Il est contre l’avortement, la légalisation de la drogue, ou l’endoctrinement des enfants à l’école avec la théorie du genre », ajoute Gislaine, 37 ans, femme au foyer de São Paulo. Retraitée carioca de l’enseignement public, Aurea, 75 ans, ne voit pas en Bolsonaro un sauveur de la patrie mais « quelqu’un de religieux et d’intègre ». « C’est le seul homme politique capable d’en finir avec la gauche au pouvoir depuis 16 ans », affirme pour sa part Gustavo, médecin de 37 ans de Niteroi, près de Rio.
« La base de son électorat est idéologique, elle s’identifie avec ses prises de position autoritaires », comme la libéralisation du port d’arme, observe Frederico de Almeida, professeur de sciences politiques à l’université d’État de Campinas, près de São Paulo. « Une autre partie de ses électeurs, avec souvent un bon niveau d’études et de revenus, est anti-PT, anti-Lula. Et puis il y a un vote Bolsonaro qui est un vote de contestation, un vote antisystème, chez une partie des électeurs les plus pauvres. » Jair Bolsonaro s’est aussi très tôt appuyé sur les jeunes, qu’il a réussi à mobiliser sur les réseaux sociaux « bien avant le lancement de la campagne ».
Forte progression dans l’électorat féminin
Son talon d’Achille ? L’électorat féminin. Selon les sondages, une Brésilienne sur deux ne voterait pour lui en aucun cas. « Mais ses intentions de vote chez les femmes ont progressé au cours de la campagne », relativise Frederico de Almeida. Deux jours après la mobilisation massive des femmes contre Bolsonaro, samedi 29 septembre, le candidat d’extrême droite avait gagné 6 points d’intention de vote dans l’électorat féminin.
Jair Bolsonaro sera-t-il à la hauteur s’il est élu président de la République brésilienne ? Pour les électeurs que 20 Minutes a rencontrés, les critiques qui s’abattent sur celui que certains surnomment le « Donald Trump tropical » sont injustifiées. Quand des questions économiques lui sont posées, Jair Bolsonaro renvoie à son conseiller dans le domaine. « Il devra s’entourer d’une bonne équipe. Je pense qu’il est le seul à vouloir choisir des personnes pour leurs compétences et non pour des raisons d’alliances politiques », rétorque Gustavo, l’étudiant de Belém.
Le candidat ultraconservateur est aussi accusé d’avoir multiplié les positions racistes, misogynes, ou homophobes. Très ambigu sur l’égalité salariale entre hommes et femmes, il avait aussi affirmé dans une interview qu’il préférerait que son fils « meure dans un accident » plutôt que de le savoir homosexuel. « Je suis moi-même homosexuel mais je suis contre la censure d’opinion qui existe au Brésil depuis quelques années. Il est catholique et a été éduqué à une autre époque », tempère-t-il.
« Il dit souvent des vérités qui blessent »
« Je crois que l’opposition fait exprès de mal interpréter ses propos. Jair Bolsonaro est quelqu’un de spontané. Il dit souvent des vérités qui blessent », assure Gustavo, le médecin de Niteroi, qui voit son candidat gagner « si les urnes électroniques ne sont pas manipulées ».
« Le Brésil a besoin d’être dirigé par quelqu’un qui a la main ferme, pas par quelqu’un d’attentiste », renchérit Aurea. Dans une étude réalisée en 2017, seulement 13 % des Brésiliens se disaient satisfaits par la démocratie. Pour la retraitée de Copacabana, certains Brésiliens ont peur de Bolsonaro parce qu’il ne cache pas sa nostalgie de la dictature militaire qui a sévi au Brésil de 1964 à 1985. « Je ne me mêlais pas de politique et je n’avais pas de problèmes comme ça a pu être le cas pour les militants de gauche. Pour eux, ça a été terrible. Résultat, les gens ont peur d’obéir aujourd’hui. » Gislaine est du même avis : « Je vois surtout dans sa candidature une possibilité d’ordre. Les écoles, les rues, le Brésil ont besoin d’ordre. »
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