LILLE (AFP) –
Vingt-deux heures passées. Un adolescent, imposant sac rouge de raquettes sur le dos, un peu perdu dans les entrailles du stade Pierre-Mauroy de Lille: comme une trentaine d’autres jeunes, il vient s’entraîner de nuit sur le court fraîchement livré de la finale de Coupe Davis, afin d’en peaufiner la terre battue.
Exercices au filet, travail dans la diagonale, échanges de fond de court: quatre par quatre, sous les dizaines de chauffages orangés descendant du toit, ces licenciés de la Ligue des Hauts-de-France s’emploient à faire travailler l’exigeante surface, à moins de 48 heures des deux premiers simples entre Français et Croates.
Les tribunes sont vides, l’ambiance le plus souvent feutrée. Sauf quand la musique, par intermèdes répétés, envahit l’enceinte pour rythmer les répétitions de la cérémonie d’ouverture, que sont testés les jeux de lumière qui animeront le week-end ou que les scies, perceuses et agrafeuses encore à l’oeuvre s’invitent en bruit de fond.
« C’est un court qui est tout neuf, tout jeune, il faut que la terre soit remuée, tassée, c’est important », décrit le capitaine adjoint des Bleus, Cédric Pioline.
Car la métamorphose accélérée du stade du Losc n’a pu débuter qu’après le coup de sifflet final du match de rugby France-Argentine samedi soir. Ce qui a entraîné une mise à disposition tardive du court, ce mercredi matin seulement, à deux jours de la finale. Problématique quand, estime le N.1 croate Marin Cilic, « il faut d’habitude trois ou quatre jours » pour qu’un court en terre battue soit « assez dur pour un match ».
– « Rattraper le temps » –
Ce calendrier resserré a conduit les organisateurs à imaginer un subterfuge inédit: faire se relayer, au long des deux nuits précédant l’échéance, des joueurs amateurs de très bon niveau « pour rattraper le temps de non-jeu et faire ressortir les imperfections naturelles de la terre battue », explique le directeur des opérations de la Coupe Davis à la Fédération française de tennis, Sébastien Hette, en qualifiant le dispositif d' »exceptionnel ».
Au point que quand le directeur sportif du club de tennis de Lomme, près de Lille, a été approché, il a « cru au début que c’était une blague ». Rassuré sur le sérieux du projet, il adresse alors une quinzaine de SMS à ses troupes. « Ils ne sont pas toujours très rapides à répondre mais là, les réponses ont fusé », sourit Alexandre Landtsheere.
« Quand quelque chose comme ça nous tombe dessus, on l’accepte les yeux fermés », raconte Elsa, 16 ans, une des quatre premières à fouler le court mercredi soir.
« C’est unique. On a un peu l’impression d’être à la place des joueurs. C’est un honneur, c’est impossible à refuser », renchérit Louis, 18 ans, même prêt à « jouer huit heures d’affilée ».
« On vient d’un petit club, on n’a jamais joué sur un court avec autant de place, avec un plafond aussi haut. C’est incroyable », s’enthousiasme-t-il.
Côté court, leurs sensations sont unanimes: jamais ils n’avaient connu une terre battue aussi bien préparée.
Leur mission nocturne accomplie, certains d’entre eux s’installeront en tribunes ce week-end pour accompagner les Bleus. « C’est une finale difficile », reconnaît Louis. Mais si l’équipe de France gagne, « ce sera un peu grâce à nous », lance Axel, qui s’est offert un cadeau d’anniversaire avant l’heure en arpentant en long et en large le court de la finale, à une poignée de minutes de ses 18 ans.