Calendrier bousculé, guerre d’influence entre grands clubs, intervention des services de sécurité, le football égyptien est plongé dans une crise inédite à quatre mois de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN-2019), pourtant censée redorer son blason.
La Fédération égyptienne de football (EFA) fait face à la situation la plus dure “de toute l’histoire du football égyptien”, résume à l’AFP Amer Hussein, président de la commission des compétitions au sein de cette institution.
En cause: des grands clubs, engagés dans diverses compétitions arabes et africaines, qui, en conflit ouvert, ont provoqué un chamboulement du calendrier des championnats locaux pour satisfaire leurs agendas respectifs.
Les changements dans ces compétitions régionales ainsi que les préparatifs de la CAN-2019 elle-même, qui se déroulera dans le pays, pour la première fois en été, du 21 juin au 19 juillet, ont rendu “les choses difficiles” cette saison, reconnaît M. Hussein.
En raison des bouleversements incessants de calendrier, “les gens savent que le championnat sera long et ne se terminera qu’après la CAN”, a-t-il ajouté, à moins, selon lui, qu’Al-Ahly et Zamalek ne soient éliminés prématurément des compétitions régionales.
Ces deux poids lourds cairotes, et leur nouveau rival Pyramids, se sont publiquement immiscés dans l’organisation des compétitions locales, et se défient via déclarations de presse et réseaux sociaux, tout en prenant la fédération à partie.
“État de crispation”
En février, Pyramids a accusé publiquement la fédération d’établir un calendrier trop favorable à ses rivaux, menaçant de se plaindre auprès des instances internationales, et criant à l’”injustice”.
De leur côté, les Diables rouges d’Al-Ahly ont refusé les changements de calendrier, dénonçant dans un communiqué des “pressions d’une certaine partie”, en référence à Pyramids.
“Il y a un état de crispation qui fait peur aux responsables du football en Egypte à l’approche de (la CAN)”, observe Amir Abdel Halim, directeur du site spécialisé Fil Goal.
Au milieu de la bataille, l’EFA a choisi de ménager les clubs, dont le mécontentement pourrait nuire au bon déroulement de la CAN, “sur lequel les responsables du football placent beaucoup d’espoir”, explique-t-il à l’AFP.
En 2018, l’irruption de Pyramids, dans un football égyptien qui vivait déjà au rythme de la rivalité historique entre “Ahlawy” et “Zamalkawy”, a accentué la concurrence et exacerbé les rivalités.
Largement raillé en Egypte et manquant de supporters, Pyramids a été façonné à grands frais par un haut responsable saoudien tapageur, Turki el-Cheikh.
Pour M. Abdel Halim, les instances du football tentent d’apaiser, d’une part, la “colère des supporters d’Al-Ahly”, connus pour leur activisme, et ne pas nuire, d’autre part, aux “nouvelles formes d’investissement dans le football égyptien, représentées par Pyramids”.
“Services de sécurité”
Mais face aux atermoiements de la fédération et l’impatience des fans, les services de sécurité ont dû intervenir, dans un pays où le football reste un terrain sensible.
Pour M. Hussein “95% des reports (de matches) émanent des services de sécurité”.
Après la révolution de 2011, certains groupes de supporters ont été particulièrement actifs et les championnats locaux ont été le théâtre d’affrontements parfois meurtriers en marge de matchs impliquant Al-Ahly et Zamalek.
Le mois dernier, après des semaines de brouille médiatique entre Al-Ahly et Pyramids, l’EFA avait annoncé, “sur la base d’instructions émanant des services de sécurité”, le report sine die du match objet du litige entre les deux équipes.
Le match devait d’ailleurs avoir lieu sans public. L’accès aux stades pour les supporters, un temps interdit, se fait au compte-gouttes et reste limité à, tout au plus, une poignée de fans triés par les autorités.
Mais pour les observateurs comme pour les fans, l’argument sécuritaire a été utilisé comme prétexte pour trancher un conflit entre clubs que la fédération n’a pas été en mesure de gérer.
“L’EFA aurait dû s’en tenir à son calendrier initial” au lieu de “vouloir satisfaire tout le monde”, selon Marwan Ahmed, l’un des responsables du site sportif KingFut.
“Le président de chaque club veut montrer qu’il est le plus fort” et “essaie de se faire obéir de la fédération”, explique-t-il à l’AFP.
“Mais ce qui importe au supporter de foot, c’est de voir son équipe, pas d’assister à des batailles hors des stades”, déplore-t-il.