Depuis le premier tour des élections au Brésil, le 7 octobre, qui a fait du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro le grand favori, certains de ses soutiens s’en sont violemment pris à des personnes LGBT et aux minorités sur les réseaux sociaux… mais aussi dans la rue.
Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec un score mirobolant de 46,06 % des voix, dimanche 7 octobre. Mais au Brésil, la probable élection, le 28 octobre prochain, de celui qui est surnommé le « Trump tropical » fait craindre un déchaînement des violences.
Dans un contexte de polarisation extrême lié à la campagne présidentielle, la semaine qui a suivi le premier tour du scrutin a d’ailleurs été marquée par une vague d’agressions à l’encontre des adversaires politiques du candidat d’extrême-droite, et plus particulièrement la communauté LGBT. Jair Bolsonaro a tenu à plusieurs reprises des propos homophobes, affirmant notamment qu’il préférait que son fils soit mort plutôt qu’homosexuel.
Une vague d’agressions homophobes
Des cas de violences physiques semblant revêtir un caractère homophobe ont ainsi été documentés les réseaux sociaux et dans la presse locale.
Dès la veille de l’élection, samedi 6 octobre, Julyanna Barbosa, une chanteuse transgenre, rentrait chez elle à Nova Iguaçu, dans la banlieue de Rio de Janeiro, quand elle a été attaquée par plusieurs hommes. « Ils ont commencé à m’insulter et à me dire des choses comme : ‘Bolsonaro doit vraiment gagner, pour virer ces ordures de la rue' », a-t-elle affirmé à BBC News Brasil.
Le site Mapa da Violencia (Carte de la violence, en portugais), qui explique avoir reçu quelque cinquante dénonciations d’agressions liées à une opposition à Bolsonaro depuis le 30 septembre, rapporte notamment le cas d’une jeune femme de 19 ans qui aurait été marquée avec un objet tranchant d’un symbole ressemblant à une croix gammée dans le dos.
Citée par BBC Brasil, l’avocate Gabriela Souza affirme que sa cliente a été attaquée lundi 8 octobre pour le simple fait d’avoir abordé un autocollant où il était inscrit #EleNão sur un drapeau arc-en-ciel, symbole LGBT. Une enquête est en cours. Le slogan « Ele não », qui veut dire « pas lui », a été lancé par les militants anti-Bolsonaro.
Les photos du dos de la jeune femme ont été publiées sur les réseaux sociaux et reprises par la presse.
Entre dimanche 7 et mercredi 10 octobre, l’association Aliança Nacional LGBTI recensait 15 attaques homophobes avec motivation politique. Au point que l’association a décidé d’ouvrir un « canal de dénonciation » par mail.
Au Brésil, les violences envers la communauté LGBT ne sont pas nouvelles : en 2017, 445 homicides contre la communauté LGBT avaient été recensés au Brésil par l’association Grupo Gay da Bahia, comme le rappelle le journal Le Monde.
C’est aussi ce qu’explique à la rédaction des Observateurs de France 24 Toni Reis, président de l’Aliança Nacional LGBTI :
Cela fait plus de trente ans que je milite pour les droits de la communauté LGBT au Brésil et la violence a toujours été constante. Mais ce que l’on observe aujourd’hui, c’est que cette violence est devenue banale, naturelle. On en parle tranquillement. Le discours de Bolsonaro n’y est pas pour rien, il a ouvert la porte à un conservatisme extrême qui existait déjà chez certaines personnes et qui est aujourd’hui décomplexé. Mais nous lançons un appel au calme : il ne faut pas céder à la panique, mais résister, notamment en dénonçant les cas d’agressions pour que l’on puisse analyser ce qu’il se passe. Par ailleurs, il est urgent que les deux candidats se positionnent clairement et condamnent explicitement les violences contre les personnes LGBT, mais aussi contre les Noirs, les Juifs, les femmes.
Assassinat d’un maître de capoeira électeur du PT
Dans plusieurs villes, d’autres agressions ont été observées contre des détracteurs de Bolsonaro et des journalistes. Selon l’Agence France-Presse, l’Abraji (Association brésilienne de journalisme d’investigation) a enregistré 137 agressions (62 physiques et 75 sur les réseaux sociaux) contre des journalistes en lien avec la campagne électorale.
Le soir du premier tour, dans l’État de Bahia, c’est un célèbre maître de capoeira, Romualdo Rosário da Costa, dit Moa do Katendê, 63 ans, qui a été assassiné après une discussion au cours de laquelle il avait annoncé son intention de voter pour Fernando Haddad, du Parti des Travailleurs (PT), l’adversaire de gauche de Jair Bolsonaro. Sur les réseaux sociaux, des hommages ont été diffusés et un événement à son honneur a été organisé dimanche à São Paulo (voir les images ci-dessous).
Dans une publication sur Facebook datée du 10 octobre, une internaute a également dénoncé l’agression à Recife d’une de ses amies dans la soirée du dimanche 7, après la fermeture des bureaux de vote. « Elle était dans un bar […] de Recife, et un groupe de deux hommes et une femme ont commencé à semer la confusion à cause des macarons et autocollants qu’elle portait pour soutenir Ciro et #EleNão », écrit-t-elle [Ciro Gomes, centre-gauche, était candidat au premier tour, NDLR].
Au quotidien Folha de S. Paulo, Paula Pinheiro Ramos Pessoa Guerra, 37 ans, explique avoir été frappée par des électeurs de Jair Bolsonaro après avoir critiqué les idées de ce dernier.
Cette internaute a publié des photos de son amie Paula Pinheiro Ramos Pessoa Guerra après son agression dimanche 7 octobre. Les images pouvant choquer ont été floutées par la rédaction des Observateurs de France 24.
Inscriptions homophobes, racistes et antisémites
Dès le lendemain du premier tour, le 8 octobre, un tag « à mort les gouines » a été trouvé dans les toilettes des filles du collège franco-brésilien de Rio de Janeiro, comme le rapportait le jour-même le portail d’informations brésilien G1 (géré par Grupo Globo, à la ligne conservatrice).
À São Paulo, les toilettes de l’université São Judas Tadeu ont aussi été taguées. L’une des inscriptions faisait référence à « l’idéologie du genre », selon laquelle les différences de genre sont des constructions sociales. La deuxième, accompagnée d’une croix gammée, est une insulte visant « les noirs, les féministes, les gays » et appelant à « brûler les juifs ».
Sur Twitter, l’université a fait savoir qu’une enquête interne avait été ouverte « afin que des mesures disciplinaires et administratives appropriées soient prises ».
Tout au long de la semaine, des dénonciations similaires ont fait surface sur la Toile. Ci-dessous, ce journaliste présente plusieurs cas de tags racistes, antisémites et homophobes trouvés dans les toilettes d’école et dans le métro de São Paulo.
Chaque fois, les écoles en question ont réagi dans un communiqué pour confirmer ces actes et les dénoncer (voir ici, iciou ici).
Les candidats tentent de calmer les esprits
Mercredi 10 octobre, les deux candidats ont tenté de calmer les esprits. « On ne répond pas à la violence par la violence », a lancé Fernando Haddad.
De son côté, Jair Bolsonaro a dans un premier temps déploré des « cas isolés » et rappelé qu’il avait lui-même été victime d’intolérance [le candidat a été poignardé le 6 septembre dernier par un déséquilibré, NDLR].
Puis, dans un tweet, l’ex-capitaine de l’armée a changé de discours, assurant qu’il se passera des votes de « tous ceux qui pratiquent la violence contre les électeurs qui ne votent pas [pour lui] ».