Oh Monsieur Doudou Ka, je te rappelle qu’avec l’adoption de la loi 2004-13 du 1er février 2004, le Sénégal était devenu le pionner de la pratique des PPP en Afrique Subsaharienne et n’ayant aucune maitrise sur la gestion de tels contrats. Cette loi a été abrogée en 2014 (sous le régime de Macky Sall) et remplacée par la loi 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de PPP. Il faut souligner in fine que le vide le plus inquiétant pour la convention de la concession en particulier et la loi CET en général est l’absence d’une instance de régulation indépendante permettant de prendre en compte les réclamations des usagers ; l’évolution des tarifs indexée sur le prix à la consommation est laissée à la libre appréciation des parties.
Donc oui, c’est à cause des contre-performances alléguées à l’administration fiscales et financières et des magouilles de haut niveau sur la surfacturation et la falsification des montages financiers que l’Etat a délégué par concession la réalisation des autoroutes, ce qui a fait que l’état a raté le projet de l’autoroute à péage depuis son montage financier jusqu’à l’exploitation actuelle.
Vous avez mentionné dans votre article qu’à la fin de la concession, l’Etat sera propriétaire de l’infrastructure sans avoir versé un seul Franc, comment osez-vous dire que l’Etat du Sénégal n’a contribué aucun Franc sur ce projet, soyez un peu sérieux Monsieur Ka les sénégalais vous lisent. Je vais vous montrer de manière très simple combien de milliards du contribuable ont péri dans ce projet très mal négocié ou Gérard Sénac joue le rôle de la poule aux œufs d’or.
Je vais te rappeler la chronologie de l’autoroute à péage pour mieux te rafraichir la mémoire, parce que j’ai comme l’impression que certains détails vous ont échappé.
PHASE 1 :
N’oublions pas que l’autoroute a démarré avec les tronçons Malick Sy-Patte d’Oie-Pikine long de 11.5 km. Le tronçon Malick Sy-Patte d’Oie d’une longueur de 7 km est réalisé par l’entreprise de Bara Tall à hauteur de 31.3 milliards de FCFA et le tronçon Patte d’Oie-Pikine d’une longueur de 4.5 km réalisé par MSF à hauteur de 51.5 milliards de FCFA.
Le financement sur ces premiers tronçons était supporté à 100% par l’état du Sénégal à hauteur de 107.3 milliards de FCFA répartis comme suit :
– 82.8 milliards de FCFA pour les travaux autoroutiers
– 25.3 milliards de FCFA pour la libération des emprises
– 11.9 milliards de FCFA pour les études, le contrôle, imprévus…
PHASE 2 :
Le premier contrat concernait le tronçon Pikine-Diamniadio, d’une longueur de 25 km, attribué à l’entreprise projet Eiffage après appel d’offres international. La signature a eu lieu le 02/07/2009 pour une durée de concession de 30 ans (2039), pour un montant de 148.4 milliards de FCFA (coût de l’infrastructure).
Le deuxième contrat concernait le tronçon Diamniadio-AIBD, d’une longueur de 17 km, attribué toujours à l’entreprise projet Eiffage sous forme de marché complémentaire. La signature a eu lieu le 19/02/2014, concession jusqu’à 2039, pour un montant de 92 milliards de FCFA (coût de l’infrastructure)
Sans compter les couts annexes:
14.3 milliards de FCFA pour les études, contrôle, taxes et imprévus;
22.8 milliards de FCFA pour la restructuration urbaine;
30.6 milliards de FCFA pour les zones de recasement;
44.1 milliards de FCFA pour la libération des emprises; qui rentrent également dans le coût global du projet.
Donc pour un total de 352.2 milliards de FCFA contrairement aux 318 milliards annoncés par l’Agence Informatique de l’Etat (avec une contribution de EIFFAGE à hauteur de 61 milliards de FCFA et 291.2 milliards de FCFA pour l’Etat du Sénégal et ses partenaires financiers).
Le montage financier réel du public (l’Etat et ses partenaires financiers) s’est fait de comme suit :
L’État du Sénégal : 168 milliards de F CFA.
L’Afd : 39.2 milliards de F CFA.
Banque Mondiale : 51 milliards de F CFA
BAD : 33 milliards de FCFA.
Donc les deux phases nous ont coûté exactement 459.5 milliards de FCFA.
Et pour votre information Monsieur Doudou Ka, puisque vous essayez de nier la part de l’entreprise Eiffage, voici comment les 61 milliards ont été financé :
Eiffage Sénégal : 20.8 milliards de FCFA
BOAD : 15 milliards de FCFA
IFC : 13.4 milliards de FCFA
BAD : 6.8 milliards de FCFA
CBAO : 5 milliards
Oui Monsieur Ka l’entreprise EIFFAGE n’a supporté que 17% pendant que l’état a supporté les 83%, quel paradoxe. Et en plus pour une durée d’exploitation de 30 ans, et jusqu’à l’extinction du soleil vous ne pourrez jamais prouver le contraire. Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre le calcul du cout d’un projet et il ne s’agit pas de programme mais d’un projet.
Pour un récapulatif, retenons que l’entreprise Sénac SA qui est 100 % EIFFAGE a trois types de contrats sur cette autoroute :
– Un contrat d’Exploitation : Patte d’Oies à Pikine
– Un contrat de Construction, Exploitation et Transfert : Pikine à Diamniadio
– Un contrat complémentaire : Diamniadio à AIBD
Mais si nous considérons le prix standard d’un kilomètre de route bitumé 2×3 voies, au Sénégal où nous avons tous les matériaux routiers (basalte et latérite) en abondance, majoré même de 10%, à savoir 2.5 milliards :
Les 25 km de Pikine à Diamniadio nous couteraient : 25 x 2.5 = 62.5 milliards et les 17 km nous couteraient 17 x 2.5 = 42.5 milliards. Donc avec simplement 105 milliards l’état du Sénégal pouvait construire une autoroute de 2×3 voies et n’aurait pas besoin autant d’appui financier auprès de ses partenaires (AFD, BM et BAD…). A partir de ce moment, il pouvait recourir aux deux options suivantes : créer une société d’économie mixte (actuelle société à participation publique prévue la loi n°90-07) à laquelle il attribuera une concession d’exploitation du projet (c’était la meilleure option à notre avis au vu des avantages qu’elle donne aux finances publiques et à l’Etat) ou bien attribuer purement et simplement l’exploitation à un privé.
Malgré ces préjudices subis par le contribuable-usager, sur le cout d’investissement, sur les manquements (insécurité, éclairage, protection anti bruit….), Senac SA décide avec la complicité de l’Etat de répartir les fruits comme suit :
Pour 1000 FCFA de péage :
– 310 FCFA pour les impôts et taxes (soit 31%)
– 250 FCFA pour les couts d’exploitation-entretien-renouvellement (soit 25%)
– 440 FCFA pour l’amortissement de l’investissement (soit 44%)
Et le tarif Dakar-AIBD est égale à 3000 FCFA, un pourcentage de poids lourds de 5%, plus de 100.000 transactions par jour dont 40% avec le badge Rapido.
Lorsque la redevance est assimilée à un moyen détourné de taxer les citoyens face aux contre-performances des administrations fiscales et financières devant les besoins insatiables d’un Etat endetté et désargenté, c’est par rapport à la nomenclature de la répartition des dividendes notamment les 31%. Alors Monsieur Ka arrêtez de regard le petit doigt qui vous montre la lune.
Faisons un calcul simple sur 100.000 transactions par jour avec le plus petit tarif véhicule pendant 10 ans.
100.000 x 400 x 365 x 10 = 146 milliards et l’amortissement à l’investissement serait de 64.24 milliards avec les 44% ; donc en 10 ans Senac SA aurait déjà amorti ses 61 milliards investis et en 30 ans il aura le triple. Je vous laisse imaginer tranquillement la suite avec les données réelles.
Oh Monsieur Ka, après tout cela vous osez encore dire que la réussite de notre premier projet autoroutier est étroitement liée au volontarisme de l’entreprise EIFFAGE, vous jouez largement avec votre conscience.
Sachez que cette entreprise ne mérite nullement notre respect, c’est une machine de pilleur dirigé par un bandit à col blanc.
Sachez aussi que nous ne sommes pas nihilistes, nous savons juste décortiquer ce qu’un subordonné refuse de voir, et nous sommes avec le peuple et non contre le peuple.
Pour terminer, parce que j’ai perdu déjà énormément de temps pour vous répondre, vous vous glorifier des 195 kms d’autoroutes à péage réalisés sous le régime de votre mentor ; avec 113 kms (Ila Touba) à hauteur de 416 milliards, nous sommes au courant pour les 52 milliards contribués par l’Etat, d’un taux de rentabilité de 14% reconnu par l’actuel ministre des Infrastructures et du Transport. Et pourtant le ministre des Infrastructures et du Transport d’alors nous avait promis un taux de rentabilité de 35%.
Alors Monsieur Ka, pour une fois, réfléchissez en votre qualité d’ingénieur civil des ponts et chaussées à moins que vous n’ayez oublié ce que vous avez appris au détriment de la politique politicienne.
Pape Abdourakhmane Dabo
Ingénieur des Ponts et chaussées
Consultant en Infrastructures Publiques
Membre du Mouvement des cadres de PASTEF