Monter une école dans sa propre maison à Taëz, grande ville du sud-ouest du Yémen, pays aux prises avec la guerre: certains civils refusent de baisser les bras et offrent une lueur d’espoir aux rescapés du conflit.
Une douce pagaille règne dans la cour avant l’entrée des écoliers en classe: bousculades, chamailleries, lecture de versets du Coran et hymne national la main sur le coeur. Puis, les fillettes sont alignées d’un côté et les garçons de l’autre.
« On avait deux options pour ces élèves: soit ils se retrouvaient dans la rue, soit on les rassemblait dans un endroit pour étudier et pour les protéger des balles qui sifflent », explique le propriétaire de la maison, Adel al-Churihi.
A l’origine de l’initiative, il dénonce l’absence des services de l’Etat qui n’arrivent pas à affermir leur présence dans cette grande ville où des forces d’Al-Islah, parti lié à la confrérie des Frères musulmans, dominent certains quartiers, tandis que d’autres sont aux mains de salafistes ou de nationalistes.
Taëz, où le gouvernement appuyé par l’Arabie saoudite échoue à imposer son autorité, a été le théâtre d’attaques jihadistes, parallèlement aux bombardements meurtriers attribués aux rebelles Houthis, soutenus par l’Iran.
« Enseigner dans cette école est un devoir national avant d’être un travail humanitaire », relève une enseignante volontaire, Safaa Mohammed.
Elle le fait depuis la fermeture en 2015 des écoles publiques en dépit de nombreuses difficultés.
« Cette école manque de choses essentielles et les salles de classe sont surpeuplées et ne sont pas adaptées à l’enseignement », ajoute Mme Mohammed.
« Malgré tout, nous continuons l’enseignement et l’investissement dans le processus éducatif », dit-elle fièrement.
2.500 écoles hors d’usage
L’école compte 712 écoliers des deux sexes. Elle dispose de 13 salles de classe. Les enseignantes volontaires sont au nombre de 14, autant que les enseignants hommes, également tous volontaires.
Les livres sont fournis par le gouvernement qui a établi son siège dans le sud du Yémen depuis qu’il a été chassé de la capitale Sanaa.
Les parents paient une somme modique pour la scolarité, contrairement à 13 écoles privées dont les responsables profitent de l’effondrement du système éducatif pour demander des droits d’inscription élevés.
En septembre, l’Unicef a indiqué que 2.500 écoles sur les 16.000 que compte le Yémen sont hors d’usage.
En raison de la guerre, 1,84 million d’enfants en ont été privés. Ils sont venus s’ajouter aux 1,6 million d’autres qui n’étaient pas scolarisés avant le début du conflit, selon des statistiques datant de l’an dernier.
L’Unicef a averti que quatre millions de jeunes couraient le risque de la déscolarisation, notamment dans le nord, en raison, entre autres, du non versement des salaires aux enseignants.
Le Yémen est en guerre depuis septembre 2014, date à laquelle les Houthis sont entrés dans Sanaa et ont pris le pouvoir par la force avec l’aide d’une partie de l’armée.
Une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite est intervenue en mars 2015 pour stopper leur progression vers le sud. Plus de trois ans sont passés et cette coalition n’est toujours pas parvenue à rétablir le gouvernement reconnu internationalement.
Quelque 10.000 personnes ont été tuées, dont 2.200 enfants, et plus de 56.000 blessés, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais des responsables humanitaires estiment que le bilan réel des victimes est nettement plus élevé.
Selon l’ONU, trois Yéménites sur quatre ont besoin d’aide, notamment alimentaire, et le pays est menacé par une famine de grande ampleur en plus d’une troisième vague de choléra.
Le point international