Fabienne Kabou, qui a abandonné sa fille de 15 mois à la marée montante à Berck (Pas-de-Calais) en 2013, est jugée pour « assassinat » à partir de ce lundi à Saint-Omer. Un infanticide au mobile obscur.
C’est une petite fille emmitouflée dans une combinaison sombre. Lorsque des pêcheurs découvrent son corps sans vie sur la plage de Berck sur- Mer (Pas-de-Calais) le 20 novembre 2013, on ne sait absolument rien d’elle. Ni son nom, ni son âge, ni son ascendance. Et pour cause, cette petite fille n’existe pas. Née dans la salle de bains d’un atelier de Saint-Mandé (Val-de-Marne), elle n’a jamais été déclarée à l’état civil. Sa mère comme son père n’ont jamais évoqué son existence à leurs proches. Choyée mais clandestine, elle n’a jamais vu le moindre médecin. Adélaïde, c’est son prénom, n’existe pas. Elle est née le jour de sa mort. A 15 mois.
L’enquête ne sera pas difficile. Un hôtelier de la station balnéaire de la Côte d’Opale se souvient d’avoir hébergé une femme arrivée le 19 novembre avec une petite fille mais repartie seule le lendemain. A l’aller, des caméras de vidéo surveillance l’ont aperçue, poussette à bout de bras, gare du Nord à Paris. Le 29 novembre, la police interpelle Fabienne Kabou (photo ci-dessus). C’est la mère de la fillette. Elle reconnaît l’avoir déposée sur le sable à la marée montante. Son procès pour assassinat s’ouvre aujourd’hui devant la cour d’assises du Pas-de-Calais, à Saint- Omer. Elle encourt la prison à vie.
La personnalité hors norme de cette femme de 39 ans sera au coeur de cette audience très attendue. Née au Sénégal dans une famille de la bourgeoisie de Dakar, Fabienne Kabou a poursuivi ses études en France. Après plusieurs missions d’intérim, elle s’inscrit en thèse de philosophie. Et partage la vie de Michel Lafon, un compagnon bien plus âgé qu’elle. De cette union iconoclaste entre une femme mentalement instable et un homme passif naîtra Adélaïde, le 9 août 2012. Leur secret à tous les deux.
Au tribunal de Boulogne-sur-Mer, où a été instruit ce douloureux dossier, son cas fascine autant qu’il intrigue. Epaulée depuis les premiers instants de sa garde à vue par son avocate, Me Fabienne Roy-Nansion, Fabienne Kabou va longuement se confier au juge d’instruction chargé de rassembler les pièces de son existence. Le 23 décembre 2013, elle passera près de neuf heures dans le bureau du magistrat. Une audition marathon de 45 pages au cours de laquelle elle détaille le sacrifice de sa fille, après une ultime tétée sur la plage, comme si elle était mue par une force implacable. « Je reste debout, je la serre contre moi et puis là, je dis non, non, non, j’arrête pas de dire non, je ne sais pas pourquoi. Je pleure et comme si je disais à quelqu’un : je ne peux pas faire une chose comme ça, mais je le fais. »
L’état psychiatrique de l’accusée sera évidemment largement débattu lors du procès. Fabienne Kabou a fait l’objet de plusieurs expertises. Et si les conclusions divergent, tous les médecins qui se sont penchés sur son cas ont estimé que son discernement était sérieusement altéré au moment des faits. « Son examen révèle un tableau de psychose délirante chronique […] à thématique persécutive », analysent certains. Pour d’autres, son cas relève de la sorcellerie. Pendant une semaine, la cour d’assises va s’aventurer dans des contrées mentales rarement explorées. Le cas Fabienne Kabou en vaut largement la peine.
Source: leparisien.fr