Réclamée par la justice angolaise, Isabel dos Santos devra également répondre notamment d’accusations de trafic d’influence, abus de biens sociaux et faux en écritures durant son mandat à la tête du groupe pétrolier public Sonangol, a précisé le procureur général Helder Pitta Gros mercredi soir lors d’une conférence de presse.
Isabel dos Santos a été à la tête de la Sonangol durant dix-huit mois à partir de juin 2016. Elle a aussi dirigé plusieurs autres compagnies publiques angolaises dans les secteurs de la téléphonie et des mines, et a acquis des participations dans d’autres groupes, notamment bancaires, au Portugal.
Les détails des malversations présumées d’Isabel dos Santos – qui a dénoncé un “tissu de mensonges” monté pour des raisons politiques – ont été révélés par les “Luanda Leaks” publiées dimanche par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
Les 36 médias internationaux du consortium, parmi lesquels la BBC, le New York Times ou Le Monde, ont mobilisé 120 journalistes dans une vingtaine de pays pour exploiter une fuite de 715.000 documents et révéler “comment une armée de sociétés financières occidentales, d’avocats, de comptables, de fonctionnaires et de sociétés de gestion ont aidé” cette femme de 46 ans “à cacher des avoirs aux autorités fiscales”.
Selon le consortium, Isabel dos Santos, surnommée “La Princesse” par la rue angolaise, a ainsi “siphonné l‘économie angolaise” et accumulé de manière frauduleuse une fortune estimée à 2,1 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros).
Les avoirs d’Isabel dos Santos et de son époux Sindika Dokolo, ont été gelés en Angola.
Celle qui est fut proclamée comme la première milliardaire d’Afrique par le magazine américain Forbes en 2013, avait elle-même dénoncé dès lundi auprès de BBC Afrique une “chasse aux sorcières”, destinée à les discréditer, elle et son père.
“Ma fortune est née de mon caractère, mon intelligence, éducation, capacité de travail, persévérance”, avait-elle poursuivi sur son compte Twitter.
Son avocat avait également réfuté les accusations de l’ICIJ et dénoncé auprès du journal britannique The Guardian une “attaque parfaitement coordonnée” par l’actuel président angolais Joao Lourenço.
Les “facilitateurs”
Les révélations du Consortium ont également illustré le rôle de “facilitateurs” joué par de grands cabinets comptables, qui ont tous travaillé pour les Dos Santos à un moment donné, notamment PricewaterHouseCooper (PwC), KPMG, EY et Deloitte.
Ces entreprises, tout comme des sociétés de conseil comme Boston Consulting Group (BCG) ou des cabinets d’avocats, “ont fait circuler de l’argent, audité des comptes, créé des sociétés écran, suggéré des manières d‘éviter les impôts en ignorant les signaux d’alerte”, selon l’ICIJ.
La justice angolaise a assuré mobiliser “tous les moyens possibles” pour ramener en Angola et y juger Isabel dos Santos, qui vit essentiellement entre Londres et Dubaï depuis le retrait du pouvoir de son père en août 2017.
Les enquêtes menées par la justice angolaise ont commencé lorsque son successeur à la tête de la Sonangol, Carlos Saturnino, eut dénoncé des “transferts de fonds illicites” et d’autres procédures suspectes.
Selon le parquet, la justice a indentifé dans cette affaire cinq suspects, dont Isabel dos Santos, qui vivent à l‘étranger. “Pour le moment, le problème c’est de leur notifier leur mise en accusation et d’obtenir leur retour volontaire en Angola”, a assuré le procureur Gros.
“Isabel dos Santos n’a pour le moment jamais manifesté la volonté de collaborer avec les autorités angolaises”, a souligné le procureur.