L’américain John Chau, 27 ans, a été tué il y a une semaine par le peuple de chasseurs-cueilleurs des Sentinelles. Il était venu sur leur île de North Sentinel, située en mer d’Andaman, dans le but de les convertir au christianisme. Les responsables de la région d’Andaman-et-Nicobar cherchent avant tout à savoir où est mort l’Américain et à localiser son corps. Un bateau et un hélicoptère se sont approchés de l’île, mais sans succès.
Les forces de l’ordre indiennes renforçaient ce vendredi 23 novembre leur observation à distance d’une île interdite d’accès, où un missionnaire américain a péri sous les flèches d’une tribu autochtone coupée du monde moderne.
« Pour y voir mieux et plus clair, une autre équipe de police est en train d’être dépêchée dans les eaux de l’île de North Sentinel », a déclaré Dependra Pathak, chef de la police des Andamans. Les autorités ont fait appel à des anthropologues et des spécialistes des tribus pour les conseiller dans ce casse-tête unique. En effet, est-il même possible de récupérer le corps sans provoquer un choc de civilisations ?
Ces dernières décennies, les tentatives de contact du monde extérieur se sont heurtées à l’hostilité et à un rejet violent de la part de la communauté estimée à 150 âmes. La loi interdit de s’en approcher à moins de cinq kilomètres. Si des étrangers se rendent sur l’île pour en exfiltrer la dépouille, ils rompraient l’isolement volontaire des Sentinelles, avec toutes les conséquences anthropologiques et sanitaires qui pourraient s’ensuivre. Vivant à l’écart du reste de l’humanité, cette peuplade n’aurait notamment pas un système immunitaire adapté aux agents infectieux apportés par des intrus.
La survie de l’ethnie en jeu
« Comme ce sont des groupes qui sont relativement isolés des autres, il y a certaines maladies qui nous semblent bénignes, qui pourraient décimer potentiellement les populations, nous explique Raphaël Rousseleau, anthropologue de l’Inde, spécialisé dans l’étude des tribus et membre du Centre d’étude de l’inde et de l’Asie du sud-est. Ensuite, un autre risque c’est que toute intrusion, justement, sur leur territoire, soit vécue comme une attaque et donc qu’ils répondent en les attaquant eux-mêmes. Auquel cas, cela entraîneraient probablement des morts de chaque côté ».
« Il est possible qu’ils prennent la venue d’étrangers comme la venue d’êtres un peu particuliers, voire de personnages qui emmèneraient avec eux des forces maléfiques, poursuit le scientifique au micro de RFI. Le risque, après, c’est qu’il y ait d’autres personnes qui viennent aussi sur cette île et que cela entraîne une escalade dans les contacts et dans l’invasion quasiment de cette île par des Indiens du sous-continent ou des Indiens des îles Andaman qui ont des intérêts de tourisme, des intérêts économiques, d’exploitation des ressources locales… Donc, il y a un enjeu pour la survie de cette ethnie, survie donc physique et survie culturelle ».
La police a arrêté sept personnes
La police a ouvert une enquête pour meurtre et arrêté sept personnes, dont six pêcheurs, accusées d’avoir aidé le voyageur américain dans sa dangereuse entreprise. Les experts excluent que des sanctions soient prises contre la tribu.
Jeune Américain croyant, John Chau donnait sur les réseaux sociaux davantage l’image d’un aventurier féru de grand air que d’un missionnaire. Mais son journal de bord, publié par la presse jeudi, révèle qu’il avait préparé ce projet de longue date et en cachette « au nom de Dieu ». « Vous pensez peut-être que je suis fou de faire tout ça mais je pense que ça vaut la peine d’apporter Jésus à ces gens », a écrit John Chau à sa famille, dans une ultime lettre rédigée le matin même de sa mort.
RFI