C’est une prouesse. Dans le monde, il n’y a pas eu plus d’une centaine de grossesses après cette intervention depuis 2004. En France (où elle est financièrement prise en charge), c’est la 29e. Et la première en Alsace. Après un cancer, une chimiothérapie (qui peut impacter la fertilité des femmes et des hommes) et sa guérison, une patiente est tombée enceinte grâce à une autogreffe du tissu ovarien.
Un espoir – en plein mois Octobre rose – pour les femmes atteintes de cancer qui veulent avoir un enfant, plus tard. « Cette grossesse est importante pour nos patientes, nous, nos collègues, le réseau de lutte contre le cancer », réagit le biologiste Marius Teletin, l’un des praticiens derrière l’opération au Centre médico-chirurgical obstétrique (CMCO) des hôpitaux de Strasbourg, à Schiltigheim.
Plusieurs moyens de préserver sa fertilité malgré le lourd traitement
Retour en 2013. Atteinte d’un lymphome T (derrière l’œil) à 28 ans, la jeune femme doit vite commencer sa chimiothérapie. Après l’annonce de son cancer, du traitement et des effets secondaires par un oncologue, elle est présentée au centre d’assistance médicale à la procréation du CMCO. Afin d’être informée (comme le veut la loi) des moyens de préserver sa fertilité.
Pour ne pas compromettre une possible grossesse future, elle choisit, dans l’urgence de la situation, la conservation de son tissu ovarien. Le 27 septembre 2013, l’intervention mini-invasive est menée par deux gynécologues, Olivier Garbin et Olivier Pirrello. Durant 30 minutes, ils prélèvent deux morceaux de ses ovaires sur l’extérieur.
Pris en charge à leur sortie du ventre, les fragments sont disséqués par le biologiste afin que les ovocytes (cellules reproductrices féminines) soient cryoconservés dans la foulée. Dans des tubes plongés dans l’azote liquide (à -196°C), à l’intérieur des fûts de la salle gérée par le Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme de Strasbourg aux milliers de références.
Deuxième autogreffe et première grossesse à Strasbourg
La préservation des tissus ovariens, le CMCO la pratique depuis 2008 (et auprès de 150 filles de deux mois à 38 ans jusqu’ici). « Avant, on ne savait pas trop si la technique était au point », clarifie Olivier Pirrello. Après sa rémission complète – la priorité des médecins – consécutive à un don de moelle osseuse, l’Alsacienne est revenue vers le spécialiste en 2016.
Pour la deuxième fois seulement, ces gynécologues strasbourgeois ont procédé à une autogreffe de ses morceaux de tissu ovarien. Sans risque de rejet, ils les ont ressortis de l’azote liquide pour les lui réimplanter en mai 2017. Dans l’idée d’être de nouveau en mesure d’avoir un enfant par la suite, elle a retrouvé ses règles et son activité hormonale quatre mois plus tard.
Après deux fécondations in vitro ratées, la jeune femme de désormais 32 ans est tombée enceinte naturellement. « Entre-temps, elle a été demandée en mariage », sourit Marius Teletin. La naissance est attendue pour février 2019. « Ça prouve que ça marche, insiste Olivier Pirrello. Ça donne de la crédibilité à la technique, car on était un peu vus comme des sorciers au début. »
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