Elles organisent des sorties à la plage pour lutter contre la pression sociale et religieuse.
« Je me baigne avec les vêtements que je veux, où je veux, quand je veux ! » martèle Halima, une Algérienne de 32 ans. Il y a quinze jours, elle a publié dans le groupe Facebook « Quelle plage à Alger », une photo d’elle et d’une de ses amies, cigarette aux lèvres, sur une plage publique à Alger (Algérie), en bikini. Dans l’heure, elles ont été rejointes par d’autres femmes en maillot deux pièces.
Aujourd’hui, ces initiatives féministes se multiplient. C’est une sorte de révolte du bikini qui s’est engagée en Algérie en réaction à une campagne lancée pour stigmatiser ces femmes qui refusent de se cacher sur les plages. « Pendant le ramadan, des jeunes ont publié sur les réseaux sociaux des photos volées de femmes en bikini, pour dénoncer celles qui, selon eux, agissent contre les valeurs de la société », explique Sarah Chelal, chargée de mission à l’organisation Euromed (un réseau de 41 associations engagées dans le pourtour méditerranéen) qui s’est rendue en Algérie il y a quelques jours.
Tout a commencé il y a tout juste un mois à Annaba, la quatrième ville du pays. Puis l’initiative s’est étendue à Alger et dans d’autres villes côtières. A présent, elles sont parfois plus de 200 femmes à se rejoindre sur la plage, arborant leur bikini, après des appels lancés sur Internet. Chaque grande ville balnéaire a son groupe, certains comptant plus de 3 000 adhérentes. Pour elles, l’objectif c’est de jouer la contre-stigmatisation en s’affichant sur les réseaux sociaux.
Le port du bikini légal
« On cherche à ce que les maillots de bain soient majoritaires sur la plage, alors que de nombreuses femmes se baignent en burkini ou même en robe », précise Halima.
Ce mouvement de protestation ne s’attaque pas à la loi : le port du bikini est totalement légal dans le pays. Mais il est souvent critiqué, jugé provocant. « C’est une pression sociale qui s’exerce pour que les femmes s’affichent comme bonnes musulmanes, analyse Javiera Coussieu-Reyes, membre de l’ASGD, une association française spécialisée dans les études féministes. Celles qui ne rentrent pas dans le rang ont une mauvaise réputation. »
Ces femmes algériennes souhaitent donc s’approprier comme bon leur semble l’espace public. « Il n’y a pas d’agression physique, mais c’est vrai que les regards des hommes sont parfois insistants. Pour éviter de subir, on va sur des plages privées, mais l’entrée coûte près de 20 euros par personne. On veut pouvoir aller sur les plages publiques et gratuites », plaide Halima. Cette révolte des bikinis va-t-elle durer ? Il n’est pas du tout sûr qu’elle passe l’été. Halima, elle, se veut optimiste : « Si la dynamique s’amplifie, les groupes disparaîtront d’eux-mêmes et les femmes pourront alors porter le bikini sans craindre de problèmes. »