Le parquet a requis, mardi, la perpétuité contre la bande de voleurs et dix ans de travaux forcés contre les deux taximen qui les transportaient habituellement, lors de leurs forfaits. Les accusés à qui les parties civiles réclament la somme globale de 188 millions FCFA de dommages et intérêts ont cambriolé plusieurs commerces et établissements financiers à Dakar, Thiès, Bambey et Saint-Louis, entre 2010 et 2011. Soit un butin de plus de 200 millions blanchis dans le foncier, le transport, l’élevage…
Si d’habitude les gangs de cambrioleurs qui défilent à la barre de la chambre criminelle se distinguent par une certaine cruauté au moment des faits, ce n’est pas le cas de la bande à Mamadou Ndiaye dit Boy Ndiaye attraite à la barre de la chambre criminelle du tribunal de Grande instance de Dakar, ce mardi.
Ce chef de gang et ses lieutenants Cheikhouna Diakahté, El hadji Abdoul Aziz Bâ, Abib Niakh et Alioune Badara Cissé sont apparus comme des adeptes de la non-violence. Ou du moins, il en fait très peu usage lors de leurs expéditions qui les ont menés à Dakar, Thiès, Bambey et Saint-Louis.
Pourtant, la bande a amassé un butin de plus de 200 millions de FCFA en perpétrant plusieurs cambriolages. Leurs actes risquent de leur coûter la prison à vie. Car le parquet a requis contre le quatuor, les travaux forcés à perpétuité et 10 ans contre Malamine touré dit Bara et Alé Diagne, les deux taximen qui les ont transportés au cours de certaines de leurs expéditions.
Des faits d’armes commis entre 2010 et 2011. Il résulte de l’accusation qu’en l’espace de 6 mois, plusieurs commerces (Sahel Gaz, Sivop, Sedipal et autres magasins) et établissements financiers dont les Acep (Alliance de crédit et d’épargne pour la production) de Bambey et de Saint-Louis ont été cambriolés par les accusés qui ont emporté d’importantes sommes d’argent ou de grande quantité de denrées alimentaires et du matériel.
Il s’agit, entre autres, de voitures, téléphones portables, bons de carburant, ordinateurs, coffres, bonbonnes de gaz … La bande est tombée, en août 2011, après de simples soupçons portés sur Cheikhouna Diakhaté. Revenant de Saint-Louis, ce dernier avait garé sa moto dans un parking sis aux HLM, suite à une panne.
Lorsqu’il est revenu récupérer son engin, il a été appréhendé par des éléments de la police de la localité. Les limiers avaient été informés par une personne intriguée par le fait que le motocycliste s’affairait également autour d’un véhicule abandonné auparavant par la bande.
Au cours de l’audition et même de la perquisition, les policiers n’ont décelé rien de compromettant chez le mis en cause. Cependant, comme s’il était pris par le remords, Cheikhouna s’est mis à confesser ses crimes en balançant ses acolytes. Suffisant pour que la police des HLM transmette le dossier à leurs collègues de la Sûreté urbaine de Dakar qui a réussi à démanteler la bande. Ainsi, plus d’une dizaine de parties civiles se sont signalées en faisant état de vols de différentes natures.
Cependant, mardi dernier, seuls Moussa Bèye et El Hadji Alioune Ndiaye se sont présentés au procès de leurs bourreaux. Le premier a expliqué que le 13 septembre 2009, pendant qu’il ouvrait son magasin, les accusé ont profité d’un moment d’inadvertance pour lui soutirer 13 millions.
« J’ai même fait de la prison à cause d’eux, car je ne pouvais pas rembourser mes créanciers. C’est un après que j’ai entendu à la radio que des malfaiteurs appréhendés ont confessé avoir volé 13 millions au marché Gueule Tapée de Cambérène », a narré la partie civile.
El Hadji Alioune Ndiaye de Sedipal lui, n’a pas été aussi prolixe. Il a juste fait savoir que lors du cambriolage survenu en 2011, les malfrats avaient défoncé la porte de l’entreprise et dérobé le montant de 1,5 million f Cfa ainsi que le serveur central.
Contrairement aux parties civiles, les accusés ont été très prolixes. Tous ont reconnu les faits et sont revenus en détail sur leur modus operandi, à l’exception de Boy Ndiaye. « Je n’ai jamais mis les pieds dans un commissariat de police. Je suis un businessman au Port. J’acheté et je vends, dès que je vois une marchandise qui m’intéresse. Je n’ai participé à aucun cambriolage », s’est dédouané l’accusé.
Qui acculé par le président Seck Diouf, a laissé entendre qu’il est certes innocent dans ces différents vols, mais qu’il n’est pas blanc comme neige. Car, il a de fausses clés qui lui permettent d’ouvrir les véhicules garés au Port afin de subtiliser les radios. Pis, il a été confondu par les dépositions de ses co inculpés qui l’ont désigné comme agent recruteur et chef de gang.
Précisant ‘emblée qu’il n’a pas été torturé, Cheikhouna Diakhaté a avoué sa participation aux cambriolages de Sahel Gaz, Sivop et des Acer Saint-Louis et Bambey avec Boy Ndiaye, Alé Diagne, Aziz et Habib. Il a expliqué que lorsqu’ « ils arrivaient dans une société où ils se présentaient comme des policiers et faisaient croire au vigiles qu’ils venaient d’appréhender un voleur qui sortait des lieux.
De ce fait, les gardiens leur ouvraient grandement les portes. Ainsi, ils les neutralisaient avant de commettre leurs forfaits. Leur stratagème consistait également à simuler un contrôle d’identité. Si l’agent de sécurité ne disposait pas de la pièce, une partie de la bande l’embarquait, tandis que le reste procédait au vol. Dans tous les cas, le gardien était jeté très loin de son lieu de travail.
L’ancien gendarme El Hadji Abdoul Aziz Ba qui a intégré le gang, entre fin février et début mars 2011, a décrit le même modus opérandi. Auparavant, il a soutenu avoir été recruté par Boy Ndiaye qu’il connaissait depuis 15 ans.
« Un jour, nous nous sommes croisés et je lui ai dit que les choses ne marchaient pas trop de mon côté. Il m’a dit qu’il allait m’appeler le soir pour un travail », a confié l’accusé. Le travail a consisté à voler 22 sacs de lait d’un camion stationné à Cambérène. Après la vente du lait, Aziz dit avoir reçu 300 000 F CFa pour sa part du butin. Ce qui fait qu’il n’a pas résisté aux autres coups, comme le vol à Sahel Gaz où 238 bonbonnes, de l’argent et des bons d’essence emportés. Ou encore celui commis à Sivop pour un butin de 95 millions.
« Il y avait tellement d’argent ! Il y avait même des billets en Euros. On s’est partagé le butin à parts égales. Moi, j’avais reçu 12 700 000 F CFA. J’ai acheté deux motos jakarta pour le transport à Kaolack. Les 10 millions, je les avais gardés dans mon compte et les trois millions me servaient d’argent de poche, puisque je travaille à la chambre de Commerce », a déclaré le sieur qui a suscité des exclamations de la part du public, lorsqu’il a évoqué les millions.
Habib Niakh a servi la même version. Etant un sans domicile fixe (SDF), il a rejoint la bande sur incitation de Boy Ndiaye. « Lorsque nous nous sommes revus et que je lui ai dit que j’étais en chômage, il m’a rétorqué que je n’étais pas branché et que j’allais mourir chômeur ». Face à cette remarque, le natif de Niakhar et père de 11 enfants ne s’est pas fait prier, puisqu’avec le vol à Sivop il a reçu 14 millions qui lui ont permis de verser un acompte pour l’achat d’un bus de 65 places. Avec les différents montants amassés avec les autres cambriolages, il a acheté deux autres véhicules ainsi que des moutons de race.
Alioune Badara Cissé a pour sa part, investi dans le foncier. Le chauffeur a confirmé la participation de Boy Ndiaye au vol commis à l’Acep de Saint-Louis.
Les taximen Malamine Touré dit Bara et Aly Diagne ont dans un premier temps, laissé croire qu’ils ignoraient les activités de la bande qui les mettaient à l’écart. Ils ont été démentis par leurs co accusés. Cheikhouna a indiqué aux juges que c’est Alé Diagne qui les a conduits à Sahel Gaz.
Face à toutes ces accusations accablantes et les aveux circonstanciés faits à l’enquête et devant le juge d’instruction, la représentante du parquet a demandé à l’agent recruteur s’il maintenait des dénégations. « Cheikhouna m’accuse injustement, parce qu’il m’en voulait, car je l’ai expulsé de chez moi dès que j’ai su qu’il était un bandit. Je n’ai participé à aucun vol. Je n’ai reçu ni 10 millions venant de Sivop ni 4 millions du magasin de la Médina » a rétorqué Boy Ndiaye.
Mais le maître des poursuites reste convaincu que l’accusé est le cerveau de la bande et qu’il est autant coupable que ses co inculpés de toutes les accusations, sauf la détention d’armes sans autorisation administrative. Ainsi, le substitut Ramatoulaye Ly Ndiaye a demandé à ce que les accusés soient acquittés de ce délit. En revanche, elle considère que le blanchiment d’argent est établi, car l’argent volé a été recyclé au regard des 80 scellés (véhicules, terrains comptes bancaires…) joints dans le dossier.
Elle a requis 7 ans ferme et demandé la confiscation de tous les biens saisis. Pour l’usurpation de fonctions, elle demandé 5 ans, mais que les chauffeurs soient acquittés pour ce délit. La parquetière estime que les faits de vol aggravés reprochés à ces derniers, doivent être qualifiés en complicité, avec une peine de 10 ans de travaux forcés.
Concernant Boy Ndiaye et ses acolytes, elle a demandé qu’ils soient condamnés à hauteur de leurs actes. « Ce sont des faits graves, des vies brisées, des sociétés en faillite, du fait des agissements de la bande. Il faut apporter la réponse qui sied », a martelé la magistrate qui considère que l’association de malfaiteurs ainsi que les vols en réunion, commis la nuit avec effraction, usage de violence, utilisation de fausses clés sont établis. Elle a été confortée en cela par la déposition des deux anciens gardiens de Sivop qui ont confirmé que les malfaiteurs les ont ligotés.
Avant le parquet, les avocats des parties civiles ont été les premiers à déplorer la gravité des faits. Ainsi, ils ont réclamé des dommages et intérêts à hauteur de 188 millions de F CFA. Un montant établi comme suit : 150 millions pour Sivop, 15 millions pour le commerçant Moustapha Kane établi à Médina, 3 millions pour Sedipal et 20 millions pour le commerçant Moussa Béye établi à Camberéne.
La défense a relevé des incohérences dans le réquisitoire du parquet, mais elle a surtout imploré la clémence de la chambre. Car à leur avis, leurs clients ne peuvent pas être jugés comme de vulgaires malfrats. Pour preuve, a soutenu Me Djiby Diallo, « tout ce qu’ils ont gagné, ils l’ont investi pour leur familles au lieu de se livrer dans d’autres activités répréhensibles ou délictuelles, comme le trafic de drogue ». Les avocats ont demandé aux juges de tenir compte du repentir dont leurs clients ont fait montre à la barre et de leur accorder une seconde chance.
Mieux, ils ont insisté sur le fait que les accusés n’aient pas exercé de violences sur leurs victimes. Quant aux conseils de Mamadou Ndiaye, ils ont tout simplement demandé aux magistrats de ne pas tenir compte des mensonges de leur client. Le verdict sera connu le 2 mai.
Enquête