Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a limogé dimanche son chef de l’armée, quatre jours après le lancement d’une offensive militaire contre la région du Tigré, dans le nord du pays, qui menace de tourner à la guerre civile.
Le chef adjoint des forces gouvernementales, le général Berhanu Jula, « a été promu au rang de chef de l’armée », a affirmé un communiqué du bureau du Premier ministre, sans préciser les raisons du limogeage de son prédécesseur, le général Adem Mohammed.
Ce changement brutal à la tête des forces armées éthiopiennes intervient alors que le gouvernement a lancé mercredi une opération militaire contre la région du Tigré, accusée par Addis Abeba de velléités sécessionnistes.
Promu dimanche chef de l’armée, l’officier supérieur a ajouté que les soldats éthiopiens avaient « complètement capturé » quatre villages de l’ouest du Tigré où se sont concentrés les combats.
Malgré un black-out total sur les opérations militaires, sur le terrain apparaissent les premiers signes de combats qui semblent assez nourris entre forces armées éthiopiennes et tigréennes. Une centaine de soldats éthiopiens ont ainsi été admis pour des blessures « par balle**s** » dans un hôpital de la région Amhara, qui jouxte le Tigré, a indiqué dimanche à l’AFP un médecin local.
A l’hôpital de Sanja, au nord de Gondar, à une soixantaine de km du Tigré, « nous avons eu 98 cas, tous de l’armée nationale« , a assuré ce médecin sous couvert d’anonymat, sans préciser les dates des admissions des soldats blessés. Le médecin a souligné qu’il n’avait enregistré aucun décès mais que des blessés plus graves avaient été dirigés vers des hôpitaux plus importants, à Gondar et ailleurs.
Une menace pour la Corne de l’Afrique
Par ailleurs, selon un avis d’information des Nations unies diffusé dimanche, « une frappe aérienne a visé Mekele« , la capitale du Tigré, à proximité de l’aéroport. « Une seule explosion a été notée, ainsi qu’une riposte venue du sol« , ajoute le rapport des Nations unies.
Un responsable des Nations unies a indiqué samedi à l’AFP sous couvert d’anonymat que, selon un rapport interne, les forces armées tigréennes tenaient le quartier général de l’armée éthiopienne à Mekele.
La base militaire de Mekele est une des plus importantes d’Ethiopie, héritage des années de guerre avec l’Erythrée, qui borde le Tigré.
Un média public éthiopien a également cité dimanche le général Berhanu Jula affirmant que les forces fédérales avaient « totalement détruit les armes lourdes de la clique de traîtres« , en référence au Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), qui a, durant près de 30 ans et jusqu’à l’avènement du Premier ministre Abiy en 2018, dominé les structures de pouvoir en Ethiopie.
Diverses sources diplomatiques et humanitaires ont également fait état d’activités militaires sur les principaux axes reliant le Tigré à la région Amhara et signalé des combats et des tirs d’artillerie sur la route menant à Humera, aux confins du Soudan et de l’Erythrée, dans l’ouest du Tigré.
Samedi, le parlement éthiopien avait révoqué le parlement régional et le gouvernement du Tigré, qui avait rétorqué en qualifiant cette mesure de « plaisanterie » et en accusant le Premier ministre de vouloir installer des « marionnettes » dans la région.
Prix Nobel de la paix en 2019 notamment pour avoir mis fin à l’état de guerre avec l’Erythrée, Abiy Ahmed a annoncé mercredi le lancement de ces opérations militaires au Tigré en représailles à l’attaque de bases militaires éthiopiennes sur place.
La tension entre Addis Abeba et le Tigré – dont les dirigeants s’estiment marginalisés par le nouveau pouvoir – s’était particulièrement accrue depuis l’organisation en septembre d’élections régionales non reconnues par le pouvoir central.
L’escalade militaire fait craindre un conflit susceptible de menacer la stabilité déjà fragile du deuxième pays le plus peuplé du continent avec plus de 100 millions d’habitants et, au-delà, de toute la Corne de l’Afrique.