La justice mozambicaine a condamné jeudi quatre policiers à plus de vingt ans de prison chacun pour l’assassinat d’un observateur électoral, une affaire qui avait fait grand bruit dans le pays quelques jours avant les élections générales de 2019.
Leur procès était inédit au Mozambique où, depuis 2015, plusieurs opposants ou militants de défense des libertés ont été tués, enlevés ou torturés.
A chaque fois, les soupçons se sont portés sur les forces de sécurité ou des officines proches du pouvoir. Faute de preuves, la plupart de ces affaires ont été enterrées.
Mais l’an dernier, des policiers qui ont assassiné un observateur électoral ont été pris la main dans le sac.
A la tête d’un forum d’associations chargé de surveiller le scrutin, Anastacio Matavele, 58 ans, a été abattu le 7 octobre dernier alors qu’il circulait en voiture à Xai-Xai, la capitale de la province de Gaza (sud).
Ses agresseurs ont été aussitôt identifiés, à la faveur d’un accident de la route survenu alors qu’ils prenaient la fuite.
Le lendemain du meurtre, la police a annoncé l’arrestation de quatre membres d’une unité d’intervention de la police locale pour le meurtre de M. Matavele. Deux de leurs chefs ont été arrêtés plus tard.
Un autre policier, toujours en fuite, n’a pas encore été jugé.
Jeudi, le tribunal de Xai-Xai, qui jugeait les six accusés interpellés, a puni deux des membres du commando de vingt-quatre ans de réclusion chacun, la peine maximale, et les deux autres de vingt-trois ans de prison, a annoncé Adriano Nuvunga, à la tête du Centre pour la démocratie et le développement (CDD).
Leurs chefs ont eux écopé de trois et deux ans d’emprisonnement, a ajouté M. Nuvunga.
Lors de son réquisitoire le mois dernier, le procureur Leonardo Cumbe avait réclamé des “peines sévères” contre les policiers. “Il n’y a aucun doute sur l’intention de tuer des accusés”, avait-il noté.
L’Etat hors de cause
L’avocat de quatre des policiers, Elisio de Sousa, avait lui plaidé l’acquittement de ses clients. “Il n’est pas prouvé qu’ils ont utilisé les armes qui ont tué Matavele”, avait-il estimé à la barre.
Selon Adriano Nuvunga, le tribunal de Xai-Xai a toutefois écarté la responsabilité de l’Etat dans cette affaire.
Avant le début du procès, des ONG locales, dont la sienne, avaient affirmé que les véritables cerveaux de l’assassinat n‘étaient pas dans le box des accusés, soupçonnant l’Etat d’avoir au mieux laissé faire les assassins.
Ces arguments avaient été écartés par le procureur.
“Les accusés ont tenu leurs réunions dans des bars, pas sur leur lieu de travail (…), ils n‘étaient pas en mission le jour du meurtre”, avait-il insisté, “il serait absurde pour l’Etat d’ordonner la mort d’un de ses citoyens”.
Au nom de la famille de la victime, l’avocat Flavio Menete avait demandé à l’Etat de payer 35 millions de meticais (460.000 euros) de dommages et intérêts. La famille n’a obtenu jeudi qu’1,5 million de meticais.
“Ceux qui ont commis ces crimes sont des officiers de police, agents de l’Etat. Ils ont utilisé des armes de service (…), l’Etat est responsable des actes de ses agents”, avait plaidé M. Menete.
Comme de nombreuses ONG, il avait souligné le caractère, à ses yeux, politique de l‘élimination d’Anastacio Matavele. “Ils voulaient faire taire une figure de la société civile”, avait estimé l’avocat.
Le collectif d’ONG auquel appartenait la victime avait révélé de nombreuses irrégularités dans les listes électorales locales.
Le meurtre de M. Matavele avait provoqué un vif émoi au Mozambique pendant une campagne électorale émaillée de nombreux incidents violents.
La Commission électorale avait proclamé la victoire du président sortant Filipe Nyusi et de son parti le Frelimo, au pouvoir depuis l’indépendance en 1975. L’opposition, comme nombre d’observateurs, avait dénoncé des fraudes massives, mais ses recours ont tous été rejetés.
AFP