Le Premier ministre du Lesotho Thomas Thabane a ordonné samedi le déploiement de l’armée dans les rues du petit royaume, nouvel épisode de la grave crise qui l’oppose à ses adversaires politiques depuis sa mise en cause dans le meurtre de son ex-femme.
Lors d’un discours surprise à la radio et à la télévision nationales, M. Thabane a annoncé l’intervention des militaires afin de “rétablir la paix et l’ordre”.
“Nous sommes surpris que certaines personnes et institutions (…) s’en prennent aux principes et à l’autorité qui assurent la stabilité et la démocratie dans le pays”, a-t-il déclaré. “Nous avons donc déployé l’armée pour reprendre le contrôle de la situation et prendre les mesures nécessaires contre ses éléments”.
Des soldats armés et équipes de casques et de gilets pare-balles patrouillaient samedi matin à pied ou à bord de véhicules blindés dans les rues de la capitale Maseru, a constaté une journaliste de l’AFP.
Le chef de la police et ses deux adjoints ont été arrêtés par l’armée, a indiqué sous couvert d’anonymat à l’AFP une source officielle.
Aucun ministre, responsable du parti au pouvoir ou de l’opposition n’a pu être joint immédiatement.
Démission attendue
Ces mesures “ont été prises pour éviter de mettre la Nation en danger et pour assurer sa protection, ainsi que pour essayer d’endiguer l‘épidémie de Covid-19”, a également justifié le Premier ministre.
Le Lesotho traverse une sérieuse crise politique depuis la mise en cause il y a plusieurs mois de M. Thabane, 80 ans, dans l’assassinat le 14 juin 2017 de son épouse de l‘époque, Lipolelo Thabane, avec laquelle il était alors en instance de divorce.
A la tête du petit royaume depuis plus de deux ans, M. Thabane devrait être bientôt formellement inculpé pour sa participation à cette affaire.
Son épouse actuelle Maesaiah Thabane, 43 ans, a déjà été formellement accusée en février du meurtre de sa rivale et placée en liberté sous caution.
Privé du soutien de son parti, la Convention de tous les Basotho (ABC), depuis que l’affaire a éclaté sur la place publique, Thomas Thabane avait annoncé en février sa démission “d’ici à la fin juillet”.
Le Parlement a récemment adopté une loi interdisant à M. Thabane d’appeler à de nouvelles élections au cas où les députés voteraient une motion de censure contre lui.
“Actes terroristes”
Pour hâter le départ du chef du gouvernement, l’ABC et plusieurs partis d’opposition ont annoncé le mois dernier être parvenus à un accord pour remplacer l’actuelle équipe ministérielle dès que possible.
Le Premier ministre a alors vivement réagi en dénonçant des “actes terroristes” et ordonné aux forces de sécurité d’ouvrir une enquête contre ses rivaux.
Le Lesotho a été placé sous confinement total jusqu’au 21 avril pour cause de pandémie de coronavirus. Aucun cas ne contamination n’y a jusque-là été officiellement rapporté.
Dans le cadre de ces mesures, Thomas Thabane avait ordonné la suspension des travaux du Parlement pour trois mois.
Mais vendredi, la Cour constitutionnelle du pays, saisie par son parti et l’opposition, a annulé cette décision. “La décision du Premier ministre de suspendre le Parlement est nulle et non avenue”, a annoncé le juge Sakoane Sakoane lors de l’audience, “le Parlement peut continuer ses travaux”.
Enclavé au milieu de l’Afrique du Sud, le petit royaume montagneux du Lesotho a connu depuis son indépendance en 1966 une histoire politique instable rythmée de coups d’Etat militaires.
Frappé par le chômage, une épidémie de sida qui touche 23% de ses 2 millions d’habitants et un manque criant de services publics, il fait partie des pays les plus pauvres de la planète.